Qu’il parait lointain le temps où un livre ne s’achetait qu’en librairie, au coin de la rue. En 20 ans de carrière, Vincent Demulière, ancien directeur de librairies indépendantes, a vu son métier évoluer au gré des avancées technologiques. Historien de formation et issu d’une famille commerçante, il fait ses gammes au Furet du Nord, à Lille. Au gré des années, il développe une passion tant pour le livre comme objet que pour son processus de commercialisation, indissociables à ses yeux. « Quand les pure player de type Amazon ont lancé l’e-commerce, peu de libraires y ont cru, parce qu’ils se sont focalisés uniquement sur l’aspect produit. Or, on constate aujourd’hui que le monde de l’édition a été profondément bouleversé par le numérique, et que le poids des librairies indépendantes s’est réduit ».
Le livre a tout d’abord été vendu en ligne, puis ont suivi l’e-book et le livre audio, autant de déclinaisons qui réduisent la part de marché du livre imprimé. « Je ne pense pas que le livre imprimé est voué à disparaître, mais il faut repenser le modèle économique de l’écosystème éditorial traditionnel, si on ne veut pas qu’Amazon s’empare de l’ensemble du marché ». L’inquiétude est de mise, car le géant américain a lancé un processus d’implantation physique sur les territoires, initié aux Etats-Unis avec l’ouverture d’une quinzaine de librairies.
Conscient de cette menace, Vincent Demulière a imaginé Quartier Libre avec une poignée de co-entrepreneurs sociaux. Un projet coopératif qui ambitionne de revenir aux fondamentaux du métier de libraire, tout en y insufflant les outils technologiques du monde moderne. Par ici les explications.
Un écosystème éditorial communautaire
Quartier Libre, c’est l’idée de réunir l’écosystème éditorial en un seul lieu, animé par une communauté d’utilisateurs et de professionnels du métier. « Il faut imaginer un lieu de 400 à 500 m2 qui comprend à la fois une librairie, un espace de coworking, un fablab, un atelier d’impression, un espace de médiation et de promotion et enfin, une petite restauration ». De la correction d’un manuscrit à sa diffusion en passant par sa mise en page et son impression, le lieu sera en mesure de prendre en charge l’ensemble de la chaine de production et de diffusion d’un livre. « En l’état, les métiers de l’édition sont assez éclatés. Les graphistes, relecteurs et autres indépendants qui viendront travailler dans l’espace de coworking bénéficieront d’un environnement de travail convivial et d’un potentiel de nouveaux clients, puisque les utilisateurs pourront faire appel à leurs services. On est vraiment dans une logique de communauté de compétences et de services ».