Autre Terre, au Nord comme au Sud

Créée en 1989, l’asbl Autre Terre est le prolongement des activités de solidarité internationale de Terre qui, au sortir de la guerre et des années de reconstruction domestique, tourna ses actions vers la cause tiersmondiste. ‘Nous sommes présents au Burkina-Faso, au Mali, au Sénégal, ainsi qu’au Pérou’ détaille Vincent Oury, directeur d’une équipe de 16 travailleurs dont 4 sont en place à l’étranger. ‘Nous accompagnons des partenaires locaux, et développons ensemble des projets d’agroécologie et de gestion des déchets sur un calendrier quinquennal, qui est également celui de nos pouvoirs subsidiants (ndlr : la DGD, Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire)’.

L’objectif : impulser des activités économiques émancipatrices dans des régions précarisées, tout en insufflant un zeste d’ADN Terre. En effet, les différents projets se veulent avant tout collectifs et participatifs, porteurs de valeurs d’économie sociale qui n’est pas forcément un concept appréhendé sur place, surtout en Afrique. Quant à la casquette de l’ancien colonisateur blanc, Autre Terre s’en départit tant que faire se peut. ‘C’est un débat que l’on a évidemment au sein du secteur, en désirant aborder les projets de manière la plus égalitaire possible, sans s’imposer, en coconstruisant les solutions avec les partenaires locaux sur base de leur réalité vécue. S’il demeure en filigrane un poids de l’histoire, de nombreuses réussites et partages d’expérience nous sont transmis du Sud, par exemple en permaculture’.

L’autre réalité, c’est celle géopolitique et climatique, constatée sur le terrain. ‘En Afrique de l’Ouest, les saisons sèches sont de plus en plus longues, ce qui pose la question du stockage de l’eau, notamment dans le cadre du développement de périmètres maraîchers. On peut à cet égard témoigner d’une belle concrétisation à Gao, une région du Mali troublée par la guerre et le terrorisme, où un travail avec deux associations locales a permis d’implanter des parcelles cultivées qui transforment des zones désertiques’.

En Amérique latine, les phénomènes climatiques (tornades, fortes pluies qui provoquent des glissements de terrain…) s’amplifient… Mais point de défaitisme, de beaux projets y émergent, comme ces femmes éco-solidaires d’Arequipa qui ont créé une coopérative de collecte et tri de PMC et de papiers-cartons. ‘La participation des femmes y est un véritable enjeu. Là-bas, elles sont une cinquantaine à piloter leur entreprise, arrivant depuis deux ans à générer un salaire supérieur au salaire garanti local. C’est le fruit d’un travail de longue haleine, dont un maillon essentiel et fondateur pour ses bénéficiaires est l’estime de soi, la reconnaissance dans la famille, le quartier’. Allant même jusqu’à l’élection de l’une de ces dames entrepreneures au conseil communal. Chapeau bas.

En Belgique aussi
Présent dans le Sud, Autre Terre ne néglige pas le travail dans le Nord, où elle organise des activités de sensibilisation dans les écoles, au sein de son propre Groupe, et participe à des actions de mobilisation. ‘Nous proposions historiquement une approche de l’économie sociale et solidaire pour un public de secondaire et de supérieur. A la rentrée, nous étendons celui-ci aux classes de primaire en nous orientant davantage vers nos secteurs métiers, tri des déchets et agroécologie. Au vu de notre implication dans cette thématique, il est logique pour nous de nous investir également dans des événements tels que Nourrir Liège, ou le mouvement des Luttes paysannes. L’alimentation est une question systémique et globalisée’.

Contexte oblige, Autre Terre n’a pu organiser dernièrement sa traditionnelle brocante, une source de rentrées financières importante aux côtés des dons et d’autres opérations ponctuelles. C’est que le montage financier d’une telle structure demande un peu d’ingénierie. ‘Nous sommes financés à environ 70% par des subsides, dont la plus grande part est transférée aux partenaires locaux. Nous finançons des investissements, par exemple la création d’un centre de tri. A l’avenir, nous comptons davantage financer des prêts avec l’aide d’autres partenaires belges, comme Fraternité Saint-Paul‘.

Un futur proche teinté de projets puisqu’Autre Terre rentre avec SOS Faim et Iles de paix un programme 2022-2026 qui devrait le voir entrer au Bénin, étendre son action au Sénégal, retourner en Bolivie (un des 1^ers pays étrangers dans lequel Terre a agi), tout en mettant en place Minka, réseau international de soutien à l’agriculture familiale durable qu’il préside.

En savoir plus : autreterre.org