C’est à la fois une excellente nouvelle, et pourtant le résultat d’une stratégie étatique qui fait grincer des dents. En effet, Railcoop s’inscrit dans le débat relatif à la libéralisation et/ou privatisation progressive des services publics. Le résultat d’un bon vieux raisonnement néolibéral, comme quoi l’Etat a tout intérêt à ouvrir un marché qu’il gère à la concurrence dite « pure et parfaite », ou carrément le confier partiellement ou totalement à des entreprises privées. Cela stimulerait la compétitivité, améliorerait le service et augmenterait le pouvoir d’achat du consommateur, grâce à une gestion plus « efficace ». En Belgique, on connait les limites des partenariats public privé, les PPP, et d’autres exemples d’échecs soulignent les risques qu’incombent à ces choix dictés par la rentabilité, notamment dans la gestion de biens communs tels que l’eau.
En France, le processus de privatisation de La Poste a déjà fait couler beaucoup d’encre, et la gestion du réseau ferroviaire semble voué au même sort, puisque l’Etat français a récemment décidé d’ouvrir le marché à la concurrence. Une décision en partie motivée par l’Union européenne, qui imposera à compter du 25 décembre 2023 la mise en concurrence pour les transports publics subventionnés par les pouvoirs publics. Autant dire que la Belgique est aussi concernée par la question.
En janvier 2019, une étude de l’Université de Louvain s’est intéressée aux conséquences de la libéralisation du rail en Grande-Bretagne, en Suède et en Allemagne, les trois pays où elle est la plus avancée. Il en ressort notamment que le prix des billets a tendance à fluctuer davantage au gré de la demande, avec un coût moyen néanmoins comparable pour le contribuable, et que les conditions de travail des cheminots se sont généralement détériorées, sans amélioration notable de la qualité du service.
Railcoop : une vision collective du train
C’est donc dans ce contexte complexe qu’a vu le jour la coopérative Railcoop, en novembre dernier. Son ambition est de redonner du sens à la mobilité ferroviaire en impliquant citoyens, cheminots, entreprises et collectivités, dans une logique de transition écologique. Si 90 % des Français résident à moins de 10 km d’une gare, il faut savoir que 30 % des gares françaises ne sont pas ou plus desservies par le réseau de la SNCF, qui se concentre de plus en plus sur le liaisons à grande vitesse, par souci de rentabilité. Autant de besoins que la coopérative identifie pour renforcer l’attrait du train comme moyen de transport respectueux de l’environnement.
Pour obtenir un certificat de sécurité et une licence ferroviaire, indispensables au lancement de ses activités, la coopérative doit atteindre un capital de minimum 1.5 million d’euros. C’est pourquoi elle a récemment lancé une large levée de fonds, avec une part sociale fixée à 100 €. A ce jour, plus de 1 100 sociétaires ont déjà rejoint le mouvement.