Qu’on se le dise, la seconde main, on nous la vend à toutes les sauces. A partir du moment où le marché de l’habillement a saisi l’intérêt du citoyen pour les modes de consommation alternatifs, il était évident qu’il allait diversifier son offre. Après tout, là où il y a un besoin à assouvir, il y a forcément du profit à générer ! Au-delà des traditionnelles friperies et autres magasins de seconde main, des enseignes spécialisées dans le « vintage » ont ainsi fleuri dans tous les coins branchés de nos villes. En ligne, on a aussi vu apparaître des plateformes « collaboratives » de type Vinted qui, à la force d’un marketing bien rôdé, ont donné un coup de vieux à des sites plus généralistes comme 2ememain.be. Chaque jour, des milliers de vêtements y circulent entre citoyens à la recherche de nouveaux compléments de revenus, ou cherchant à renouveler leur garde-robe à moindre coût, tout en préservant la planète. Sur papier, la formule est séduisante. En réalité, la plateforme encourage surtout la surconsommation, ne remettant pas en question le principe même de fast fashion. Même constat pour le vintage, qui s’identifie davantage à une mode vestimentaire qu’à une quelconque initiative éthique. Sous cette forme-là, la seconde main n’est donc rien d’autre qu’un phénomène de mode, qui reflète de nouveaux comportements de consommation.
Et lorsque H&M se lance dans la collecte de vêtements, on devine rapidement qu’il y a anguille sous roche. Dans sa grande générosité, l’enseigne vous offre un bon d’achat en échange de vos vêtements usagers, pour que vous ayez la chance de vous rhabiller immédiatement dans ses rayons. Chassez le naturel, il revient au galop ! Aussi, elle délocalise et centralise le tri des vêtements récoltés dans une immense usine en Allemagne, en partenariat avec le géant de l’industrie du textile SOEX, dont les procédés mécaniques de traitement et la réutilisation des vêtements suscitent des interrogations. Sans parler de son implantation dans les Émirats Arabes, qui ont été récemment intégrés à la liste noire des paradis fiscaux identifiés par les 28 États membres de l’Union Européenne…
Bref, entre un centre de tri local, à échelle humaine, et une usine high-tech dont les propriétaires ont flairé le bon filon, entre un magasin de seconde main classique et une plateforme en ligne opportuniste, on se dit que ce n’est pas du luxe de remettre les pendules à l’heure et de nous rediriger, consom’acteurs que nous sommes, vers des acteurs qui respectent nos valeurs. Et pour le coup, les entreprises sociales n’ont pas attendu que l’économie circulaire et la seconde main deviennent tendance pour revaloriser des vêtements usagers et créer de l’emploi local et durable. Portrait d’un secteur source d’innovation sociale et environnementale depuis plus de 80 ans !