Charleroi, Liège, Mons, La Louvière, Verviers, Namur, la province du Luxembourg : le programme ‘territoires zéro chômeur’ annoncé en grandes pompes par le gouvernement wallon vise à créer de l’emploi durable, hors des circuits classiques d’insertion socioprofessionnelle, sur quelques zones en souffrance bien définies. L’idée qui sous-tend ce dispositif : toute personne a des capacités qui sont mobilisables, même si celles-ci ne correspondent pas à l’offre du marché de l’emploi. Le financement du projet (104 millions d’euros) est quant à lui régional et européen, et l’objectif quantitatif est une remise à l’emploi de 1000 personnes à l’horizon 2026. Les secteurs visés sont ceux qui pourront appuyer la transition écologique et se nichent notamment dans l’économie circulaire. PS et Ecolo en avaient fait un de leurs chevaux de bataille lors des dernières élections régionales, avant que le projet ne soit inscrit dans la Déclaration de Politique Régionale, et enfin transcrit dans une note exécutive. Voici pour le cadre.
Sociologue du travail, chargé de cours à l’UCL et chercheur au Centre Socialiste d’Education Permanente, Julien Charles a analysé le dispositif français et produit 20 propositions afin que l’appropriation sur le sol belge soit réussie. Mandaté par Actiris pour une étude bruxelloise et membre des comités de pilotage et scientifique de l’Instance-Bassin de Charleroi, il connaît particulièrement bien cette problématique qui au-delà de la question de l’emploi, renverse un paradigme. ‘L’expérimentation française des territoires zéro chômeur de longue durée est un questionnement des institutions qui régulent l’emploi et le travail depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Elle a un grand potentiel corrosif car elle s’inscrit dans le salariat et le malaxe, interrogeant la notion de ‘lien de subordination’, l’organisation de l’entreprise, ou encore les besoins réels d’une zone de vie par rapport à ce que propose le marché. En France, les projets d’entreprise sont souvent portés par des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif qui développent une gouvernance impliquant toutes les parties prenantes. On est donc loin d’une représentation capitaliste du travail’. Décarboner, démarchandiser, démocratiser : Zéro chômeur se rapproche par ailleurs du Manifeste Travail d’Isabelle Ferreras, auquel notre interlocuteur fera référence