A l’heure de tirer un bilan de la COP 26, les larmes et la désolation du président de la conférence en disaient long sur les conséquences qui pèseront demain sur nos quotidiens, résultant de notre incapacité collective chronique à faire face à l’urgence climatique dont on ne peut plus nier l’évidence.
Une urgence mise en lumière dès 1972 par le biais du rapport Meadows, publié par le Club de Rome, et intitulé « The Limits of Growth ». Il y a près de 50 ans donc, le monde de la recherche anticipait déjà l’incompatibilité entre une course à la croissance effrénée et des ressources naturelles limitées. Aujourd’hui, si cette évidence s’incarne dans d’innombrables dérèglements tangibles, de la Wallonie au Canada en passant par la Grèce et la Chine, l’incapacité de la politique, entre autres internationale, à réagir en dit long sur la mainmise du capital dans la gouvernance de ce monde. Et c’est bien là le problème.
A Glasgow, la plus grosse « délégation » n’était autre que le lobby des énergies fossiles, avec pas moins de 503 participants, comme l’a révélé l’ONG britannique Global Witness. Le pire, c’est qu’on ne semble même plus s’en étonner, comme si ce sentiment d’amertume qui nous traverse était relégué à la normalité. Comme une fatalité dont on ne saurait se défaire, et avec laquelle il faudrait composer.
Une alternative face à l’individualisme
Ces dérives sont le résultat d’une économie néolibérale qui, au cours du dernier siècle, a dicté nos échanges en les régulant de telle manière à ce qu’ils servent l’enrichissement d’une minorité, aux dépens de la majorité, et sans égard pour toute considération sociétale, environnementale. Une posture individualiste qui n’a fait qu’empirer les inégalités sociales, et qui nous réserve une bombe à retardement pour les décennies à venir.
Face à cette écrasante domination, tellement ancrée dans nos automatismes, une alternative économique concrète existe. Cette alternative, c’est l’économie sociale. Créée dès le 19e siècle en réaction aux dérives du capitalisme, avec la constitution des premières associations sans but lucratif et coopératives, l’économie sociale a mis en place un principe fondamental et deux mécanismes simples pour empêcher le capital de dicter les orientations de l’entreprise. Le premier est relatif aux processus de décision, avec le principe d’une personne, une voix. Le pouvoir de décision n’est pas proportionnel au montant détenu dans le capital. La gouvernance est volontairement plus horizontale et participative. Ici, c’est la voix du collectif qui décide. Pas l’argent des actionnaires. Pas question donc qu’un actionnaire majoritaire prenne toutes les décisions.
Pas de gestion à court terme
Le deuxième principe est tout aussi simple et limite la rétribution du capital dans la redistribution des bénéfices. Il donne la priorité d’une part au bien-être des travailleurs, en améliorant leurs conditions de travail, et d’autre part au développement de l’entreprise, pour consolider son impact social. C’est aussi un moyen de constituer des réserves pour être plus résilient en cas de périodes difficiles. Pas question ici de maximiser des profits à court terme pour enrichir des actionnaires aux dépens des travailleurs, de la pérennité de l’entreprise ou de l’environnement.
Il résulte de ces deux mécanismes que la raison d’être de l’entreprise d’économie sociale est avant toute chose d’être utile à l’intérêt général. Ce principe fondamental de finalité sociale est au cœur de son projet. Une entreprise au service de l’humain donc, et pas le contraire. Et ça, ça change tout.
Une structure indispensable pour les défis à relever
Ces principes sont repris dans ses statuts, avec un effet contraignant, s’assurant ainsi que ce ne sont pas que des belles paroles, sous forme de charte autoproclamée.
Si nous voulons que l’humanité relève le défi climatique et social, nous devons changer fondamentalement notre manière de penser, de diriger, d’entreprendre. Ce n’est pas en constituant des bulles d’alternatives que nous y parviendrons. Or, force est de constater que malgré son ancrage dans notre tissu socio-économique, l’économie sociale peine aujourd’hui à changer d’échelle, en raison de multiples verrous économiques et politiques qui se dressent sur son chemin.
Nous devons changer le système économique de l’intérieur, collectivement. Ne nous contentons pas des discours qui nous font miroiter, à coup de mesures homéopathiques et de fausses promesses, que la croissance verte est la solution dorée.
Arrêtons donc de donner autant d’importance au capital. Réencastrons ce formidable outil qu’est l’économie dans la société, au service de l’intérêt général. Et pour ce faire, inspirons-nous des acteurs de l’économie sociale, qui ont le mérite d’essayer une autre manière d’entreprendre, qui place l’humain au centre.
Par ConcertES (Concertation des organisations représentatives de l’économie sociale) et ses membres AID, ALEAP, CAIPS, Collectif 5C, CoopAC, Crédal, Fecoopem, Febecoop, Financité, InitiativES, Propage-s, RES, Ressources, SAW-B, Syneco, UNESSA, USCOP.
Avec le soutien d’Alain Coheur, Barbara Sak, Catherine Dal Fior, David Gabriel, Jérôme Saddier, Juan Antonio Pedreño, Kevin Maréchal, Olivier De Schutter, Patrizia Bussi, Paul Maréchal, COCITER (Comptoir des Ressources Créatives), Confédération des Syndicats Chrétiens, Energie Commune, Fédération des maisons médicales, Mouvement Ouvrier Chrétien, REScoop, Social Economy Europe, Solidaris, Unessa ; Agricovert, Atelier Groot Eiland, Batigroupe, BEES Coop, Carodec, Casablanco, Casa Legal, Ceinture Aliment-Terre Liégeoise, Ciaco, Cobea Coop, Coopcity, Coopéco, Coopeos, Cortigroupe, Cyclo, Cyréo, Damnet, DiES, Dynamo Coop, EkoServices Région du Centre, Ethiquable, Fobagra, Groupe Terre, Home Net Service, Incredible Company, L’Essor, L’Ouvroir, La Ferme Nos Pilifs, La Locomobile, La Poudrière, La Tricoterie, Le Grand Bois Commun, Les Petits Producteurs, Les Petits Riens, MaxiNet-Centre, Mon Lit dans l’Arbre, Natise, Neibo, NewB, OpenFlow, Oxfam Magasins du Monde, Paysans-Artisans, PermaFungi, Pwiic, Senior Montessori, Smart, Step Group, Trusquin Titres-Services, Urbike, Vervîcoop.