En avril dernier, l’Association pour la Promotion des Énergies Renouvelables (APERe) tenait un webinaire sur le potentiel des communautés d’énergie, qui sont vouées à se développer un peu partout en Europe, dans les années à venir. A l’origine de ce mouvement, le nouveau cadre légal de la politique énergétique européenne, finalisé au printemps 2019, qui introduit les communautés d’énergie comme nouvel acteur sur le marché de l’énergie.
Si, pour les pays membres, le délai de transposition de la directive a été fixé au 30 juin 2021, la Belgique travaille déjà activement à son application légale. Il est question d’adapter notre législation pour reconnaître et rendre possible la création de ces entités juridiques. Celles-ci peuvent prendre part à la production, la distribution, la fourniture, la consommation, l’agrégation, au partage entre ses membres et au stockage d’énergie, ou fournir des services liés à l’efficacité énergétique. Le tout dans une logique de pourvoir des « avantages communautaires environnementaux, économiques ou sociaux à ses membres ou actionnaires ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités », à contrecourant d’une démarche purement lucrative.
Les membres qui assurent la gestion de la communauté énergétique doivent être des acteurs locaux : personnes physiques, autorités locales, y compris les communes, ou petites et moyennes entreprises. Une des logiques sous-jacentes est que la communauté gère une source d’énergie renouvelable, en redistribuant par exemple à un tarif doux un surplus de production de panneaux solaires d’un immeuble à son voisinage, à des heures creuses de la journée. D’autres exemples de mise en application de ce concept de communauté d’énergie sont exposés sur le site internet renouvelle.be.
Un enjeu d’empowerment
D’après Benjamin Wilkin, secrétaire général de l’APERe, si les recherches s’accordent sur le fait qu’il est envisageable de disposer de 100 % d’énergie renouvelable sur le territoire européen à l’horizon 2050, trois problématiques majeures restent de mise pour tendre vers la résilience. La première est de s’extirper de la logique de marché, qui impose régulièrement des prix négatifs de l’électricité lorsqu’il y a une abondance de production, ce qui nuit à l’énergie renouvelable. En effet, sa production est moins flexible que d’autres procédés, ce qui signifie qu’il est impossible de la réguler au gré de la demande. En cas de prix négatifs, le producteur est amené à payer ses clients pour écouler son surplus, ce qui est un non-sens. Une réalité qui nuit à l’attractivité financière de l’énergie renouvelable et à l’équilibre de l’écosystème.
La deuxième est que nous dépendons à ce jour grandement de la Chine dans notre approvisionnement de panneaux solaires. Si nous voulons tendre vers une certaine autonomie, il faut investir dans des filières de production locale. Enfin, la troisième problématique est que la quantité d’énergie renouvelable disponible demeure à ce jour variable, en fonction des conditions météorologiques. Cela signifie que si nous n’engageons pas un processus collectif de diminution de notre consommation d’énergie, il est fort probable que nous soyons à court d’énergie à certaines périodes de l’année, ou dans des situations de consommation particulièrement dense, étant donné qu’il n’existe pas encore de solution rentable de stockage du surplus d’énergie produit à un moment de consommation creuse.
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Jan Steinkohl, chargé de mission au département énergie de la commission européenne, est également intervenu en ce sens lors du webinaire, en expliquant qu’un des principaux objectifs de la commission est de sensibiliser les populations locales à l’énergie renouvelable et à l’importance de la sobriété énergétique. D’après lui, les communautés présentent un triple avantage. Elles incarnent tout d’abord un outil efficace pour accroître l’acceptation locale de nouveaux projets d’énergie renouvelable. Elles favorisent aussi la mobilisation de capitaux privés pour la transition énergétique. Enfin, elles accroissent la flexibilité du marché de l’énergie.
Un premier projet pilote à Bruxelles
Tandis que la Wallonie a déjà lancé ses premiers projets, notamment en Wallonie Picarde, avec le projet CoLéco, Bruxelles a très récemment fait ses débuts en la matière. Le mois dernier, l’APERe a en effet annoncé le début d’un projet d’autoconsommation collective autour de l’école Nos Bambins, à Ganshoren. Cette expérience est rendue possible grâce notamment au soutien de Bruxelles Environnement, de Sibelga (gestionnaire du réseau électrique bruxellois), à l’octroi d’une dérogation délivrée par Brugel, le régulateur bruxellois pour l’énergie, et la création d’une communauté d’énergie renouvelable (sous forme d’asbl) par quinze résidents du quartier de l’école et la commune de Ganshoren.
Concrètement, l’école Nos Bambins et un particulier revendront leurs surplus de production d’électricité solaire aux habitants voisins, tous les acteurs étant équipés de compteurs communicants. Pour le producteur, la vente de ce surplus accélère l’amortissement des installations techniques, tandis que les consommateurs peuvent bénéficier d’une électricité vendue à un prix inférieur à celui du marché. Tout le monde y gagne.
D’autres projets similaires sont en cours d’approbation, et ces retours d’expérience permettront de « nourrir les autorités pour définir un cadre légal solide et praticable à grande échelle afin de transposer les Directives européennes (…) », comme le précise Benjamin Wilkin. Une étape de plus vers la décentralisation du marché de l’énergie et la conscientisation et l’implication du citoyen dans sa production et sa consommation d’électricité. Autant de facteurs indispensables à notre transition énergétique.
Sources : communiqué de presse et webinaire APERe