Cela fait plusieurs années que SAW-B tire le même constat dans son rôle d’accompagnateur de projets, et d’animateur de la Ceinture Alimentaire de Charleroi. Lorsqu’on démarre en tant qu’artisan dans le secteur de l’alimentation durable, il est difficile de faire grandir son activité. D’une part parce que certains investissements sont inaccessibles, et d’autre part parce que la gestion du réseau de distribution est chronophage et pénalisant pour les petits producteurs. En effet, ceux-ci s’occupent la plupart du temps eux-mêmes de contacter les points de vente, c’est-à-dire sans faire appel à un intermédiaire, et ne représentent pas toujours des volumes suffisamment intéressants au regard de toute la paperasserie que la collaboration engage. Autrement dit, lorsque vous tenez un magasin, vous préférez limiter le nombre d’intermédiaires qui remplissent vos rayons, sous peine de crouler sous les factures. Quant au producteur, multiplier les points de vente peut aussi rapidement se transformer en casse-tête logistique, ce qui l’éloigne du cœur de son activité de production/transformation.
Les bienfaits de la mutualisation
Vous l’aurez compris, c’est ici qu’intervient Cabas, anciennement connu sous le nom de Greenscop. Comme nous l’explique Egle, qui chapeaute le projet avec sa collègue Mathilde, « Cabas entend faciliter la vie des artisans ». La coopérative s’occupe de la représentation commerciale de ses artisan.e.s coopérateur.trice.s, et propose une solution de hub logistique pour le stockage et la distribution des marchandises. « Dans un premier temps, nous visons une collaboration avec une centaine de points de vente bio/alternatifs à Bruxelles, avant d’élargir notre champ d’action. Les commerçants reçoivent notre catalogue qui met en avant l’ensemble des produits mis à disposition par nos membres. On s’occupe de leur expliquer la valeur ajoutée des produits, et on s’investit pour qu’ils soient bien mis en avant dans les magasins. Pour le revendeur, il n’y a plus qu’une seule facture à régler à Cabas, qui s’occupe aussi de la livraison ».
Cabas peut en ce sens être assimilé à un grossiste, si ce n’est que le modèle va plus loin à travers ses mécanismes de mutualisation et dans sa dimension participative, grâce aux principes coopératifs. « Les membres participent activement aux décisions, et nous assurons une totale transparence par rapport aux commandes reçues. Chaque artisan reçoit son accès à la plateforme et peut gérer son stock librement, en fonction de la demande ». Le processus d’intégration se fait en deux phases. Les six premiers mois, le nouveau membre assimile le fonctionnement de la coopérative et détient une part D de 50 €, au même titre qu’un coopérateur « citoyen-consommateur ». S’il est satisfait du service, il change de part (250 €) et de statut au sein de la structure.
Le premier hub logistique devrait s’implanter sur le site de La Vallée, à Bruxelles, en partenariat avec Smart. Et si la distribution se limitera dans un premier temps à notre capitale, les porteurs de projets viennent de toute la Belgique. « Nous démarchons également des artisans flamands, pour qui la barrière linguistique peut constituer un frein supplémentaire à l’accès au marché bruxellois ». Chaque membre doit signer une charte d’appartenance, qui interdit toute présence dans la grande distribution. « Nous n’exigeons aucune exclusivité, mais nous avons décidé d’écarter la grande distribution par principe, pour être en phase avec nos valeurs », tient à souligner Egle. Le catalogue devrait reprendre une dizaine de gammes de produits locaux et artisanaux, parmi lesquels on retrouve les créations de Fruitopia, Excell Sauce, Froui, ou encore Flagrant Délice.
Quant au modèle économique, il repose sur une commission de 20 % que s’octroie la coopérative sur chaque transaction. « C’est le minimum pour assurer la viabilité du modèle. Pour le consommateur, le prix en rayon reste le même. Certes, la marge du producteur diminue, mais tout ce gain de temps lui permet de se concentrer sur sa production, sans oublier que Cabas lui assure un meilleur développement sur le marché et de nouvelles perspectives de mutualisation ».
Un joli potentiel de développement
Pour lancer l’activité, la coopérative entend lever 50 000 € d’ici septembre. La première moitié pourrait déjà être atteinte à la mi-juillet. D’ici la rentrée, les artisans seront mis en avant sur le site internet de la structure, qui fera office de vitrine.
Pour la suite, ce ne sont pas les idées qui manquent. Moyennant davantage de fonds, la coopérative pourrait mettre en place un lieu aménagé pour des activités de transformation alimentaire, en vue de mutualiser des outils et/ou des ressources humaines. Ce type de projet serait comparable à la Fabrique Circuit Court, initiée par Paysans-Artisans. Une autre piste de développement serait de proposer un statut d’entrepreneur salarié aux intéressés. L’intérêt d’une telle démarche étant de limiter au maximum toute forme d’uberisation ou de précarisation du travail, telle qu’observée dans le secteur.
Un projet qui illustre tout le potentiel du principe d’entraide des coopératives et qui répond pleinement aux enjeux de viabilité des producteurs et transformateurs, l’augmentation des volumes et le changement d’échelle dans les circuits-courts alimentaires.
Si vous êtes intéressé.e de rejoindre la coopérative en tant qu’artisan.e ou plus simplement, de la soutenir financièrement en devenant coopérateur.trice, rendez-vous sur cabas.coop !