Tout d’abord, commençons par préciser que la Ministre compétente pour l’économie sociale est Madame Christie Morreale (PS), Ministre de l’emploi. Vous l’aurez compris, l’économie sociale ne dépend donc plus du Ministre de l’économie, poste qui a été attribué à Willy Borsus (MR).
Pour ce qui est du corps de texte de la déclaration (122 pages), on commence par l’introduction qui s’inscrit dans l’ère du temps en mettant l’accent sur une triple ambition, à la fois sociale, écologique et économique. Plus exactement, il est question de réduire drastiquement la pauvreté, de se montrer exemplaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de hisser la Wallonie parmi les régions industrielles les plus performantes d’Europe. Ne relevons ici pas l’utopie très libérale d’une industrie fleurissante corrélée à la préservation de l’environnement et intéressons-nous à la place consacrée à l’économie sociale dans les différents chapitres du texte.
L’économie sociale pour des emplois durables
A l’instar de la région bruxelloise, la Wallonie aura recours aux différents dispositifs de l’économie sociale pour assurer une (ré)insertion durable des publics les plus fragilisés et éloignés du marché de l’emploi (p.22). En matière d’emploi, soulignons aussi la volonté de maintenir les moyens financiers alloués aux APE, dont la pérennité avait été, on s’en souvient, fortement menacée par l’ancien Cabinet du Ministre Pierre-Yves Jeholet. Il est toujours question de les réformer, mais ce sera en concertation avec les acteurs concernés et uniquement dans un but de simplification et de transparence, et non d’éradication pure et simple. Toujours au niveau de l’emploi, la Wallonie entend faire ses gammes en matière de « territoire zéro chômeur de longue durée ». Un défi de taille où les IDESS, coopératives d’activités, agences-conseils et CISP seront largement sollicités. Ces derniers reçoivent le soutien du Gouvernement, qui s’engage à assurer leur pérennité et à évaluer les impacts du guide des dépenses éligibles, qui avait suscité beaucoup de mécontentement au sein du secteur. Mentionnons ensuite la consolidation de l’activité des CPAS relevant de l’économie sociale, traduit par la volonté de renforcer les dispositif « article 60 » et « article 61 ». Les entreprises de travail adapté seront aussi soutenues, puisque le gouvernement a annoncé entamer une réflexion autour de leur modèle économique pour leur permettre d’accéder à une série de soutiens économiques qui leur sont actuellement refusés. Enfin, citons le modèle coopératif qui est mis en avant dans le développement de l’esprit d’entreprendre chez les jeunes et les demandeurs d’emploi.
Soutien à l’économie circulaire et régénératrice
Le chapitre 6 est entièrement consacré à l’économie circulaire et régénératrice, dans une logique de réduction des déchets et des coûts qui y sont liés. On découvre que la Wallonie encouragera un autre rapport à la consommation, sans réduire la qualité de vie. A cet égard, les entreprises d’économie sociale actives dans la transition vers l’économie circulaire seront pleinement soutenues (p 29.). Une des ambitions affichées est de diminuer à l’horizon 2027 de 50 % l’incinération des déchets. Une des solutions à cette problématique étant l’encouragement et le développement de ressourceries, qui permettent de revaloriser toute une partie des encombrants récoltés auprès des habitants. Dans la même logique, une refonte des aides aux entreprises visera à créer des emplois durables et de qualité dans une économie décarbonnée et innovante. Pour mieux soutenir l’embauche par les entreprises, le Gouvernement compte évaluer les structures d’accompagnement à l’autocréation d’emploi (SAACE) (sic !) et soutenir la veille de la SOWALFIN pour s’assurer d’un suivi optimal des projets entrepreneuriaux à chaque étape de leur processus de développement.
Renforcement des dispositifs de l’économie sociale
Dans le chapitre 7 consacré aux entreprises et aux indépendants, un point spécifique est consacré à l’économie sociale en tant que telle (p.37). On y lit que « la Wallonie encouragera le développement de l’économie sociale grâce à des dispositifs renforcés de soutien au lancement et au développement des entreprises du secteur. Des incubateurs d’économie sociale seront également renforcés, notamment sur la base de bonnes pratiques du secteur. Les acteurs de l’économie sociale seront davantage consultés par les pouvoirs publics et des partenariats verront le jour notamment avec les CPAS ». Dans le même esprit, le Gouvernement entend développer une politique d’investissement vers l’économie locale. Pour ce faire, il s’appuiera sur les outils de financement public, mais aussi sur la finance citoyenne et solidaire, en ce compris l’appel à l’épargne citoyenne, par le biais de produits financiers responsables et durables. Comprenons par-là que développer des produits d’investissement éthiques pourrait encourager les citoyens à investir davantage leur épargne qui, on le sait, est particulièrement importante dans notre plat pays. L’économie sociale est aussi mentionnée au niveau de la politique européenne de la Wallonie, avec la volonté de mettre en place un cadre européen de développement de l’économie sociale.
Le modèle coopératif et les circuits courts mis en avant
Que ce soit au niveau du développement de l’esprit d’entreprendre chez les jeunes (p.8) ou de secteurs d’activité spécifiques, les coopératives sont mises en avant comme modèle économique innovant qui propose une organisation du travail démocratique, respectueuse du travailleur et de l’environnement. On les retrouve plus spécifiquement dans le chapitre consacré au logement (p.50), l’énergie (p.57, 59) et l’agriculture (p.76), en ce compris l’accès au foncier (p.78). Quant au circuits courts, ils sont également cités à plusieurs endroits, tant dans le tourisme durable et de proximité (p.39) que dans l’alimentation durable (p.76). Un point est même spécifiquement attribué aux circuits courts et aux ceintures alimentaires (p.76-77).
En résumé, à la lecture du document et de la répartition des compétences entre les Ministres, l’enjeu est que l’économie sociale ne soit pas cantonnée à sa seule contribution à la création d’emploi ou au renforcement de la cohésion sociale, mais qu’elle reste reconnue comme un acteur économique primordial, ancré dans le territoire et porteur de développement social, économique et environnemental. Un modèle économique alternatif qui devrait donc recevoir une place grandissante dans les politiques économiques de la Wallonie.