Cette longue période de restrictions de déplacement oblige la population à concevoir différemment sa mobilité quotidienne. Le développement sans précédent du télétravail chamboule les habitudes de circulation et de consommation. La voiture individuelle est plus souvent garée devant le domicile que bloquée dans les embouteillages, même si la tendance semble à la baisse. Jamais peut-être, nos parcs, nos sentiers et nos forêts n’ont été autant arpentés par les citoyens. La vente de vélo a explosé durant le confinement, si bien qu’il y a encore aujourd’hui une pénurie. Avec une population confinée, ou du moins plus restreinte dans ses déplacements, c’est le marché des services de livraison qui se développe également.
La crise sanitaire a donc, partiellement et momentanément, déstructuré les réseaux de circulation des personnes, des biens et des services. Indéniablement, elle nous questionne sur notre rapport à l’espace et au temps dans un monde ultra connecté. D’aucuns pourraient penser que cette parenthèse dans le tumulte du monde présente une opportunité pour voir se développer d’autres formes de mobilité.
Dans cette première partie, nous allons tenter de cerner quelques enjeux de la mobilité actuelle. Par la suite, nous nous pencherons sur l’intervention de l’Etat et son soutien aux initiatives d’économie sociale dans le domaine de la mobilité. Enfin, nous questionnerons l’avenir de la mobilité, ou du moins les directions possibles qui affecteront nos vies. Nous nous appuierons sur les constats des acteurs de l’économie sociale.
Un bref premier aperçu en lien avec l’économie sociale
Les défis en matière de mobilité sont énormes. Spontanément, celui lié à la qualité de l’air et au dérèglement climatique nous vient rapidement à l’esprit. La majorité de la population s’accordera en effet sur la nécessité de diminuer nos déplacements, notamment automobiles2. Il y a donc une unanimité sur l’urgence du développement de nouvelles formes de mobilité. Du moins, il est de bon ton de l’annoncer publiquement. Si la voiture est bien le moyen de transport le plus polluant au monde3, elle n’est qu’une partie de ce que représente la mobilité dans l’ensemble des coûts environnementaux et climatiques. La mobilité recouvre donc de nombreux aspects et nous n’en viserons que deux ici pour ensuite nous intéresser principalement sur le deuxième.
Premièrement, cela tombe sous le sens, la mobilité ne concerne pas seulement le transport des personnes. La circulation des biens de consommation est également à relever d’autant plus avec l’explosion du commerce en ligne dont les coûts environnementaux sont liés aux comportements d’achat individuels. Se faire livrer un produit venant de Chine via une grande enseigne du e-commerce a en effet un impact énorme sur la planète. Cette marchandise aura dans un premier temps voyagé par avion (ou par train) depuis Pékin jusqu’à Bierset-Liège avant d’être acheminée jusqu’au au dépôt central d’un livreur basé en Belgique. Ensuite, votre colis sera livré chez vous, si vous êtes à votre domicile, ou fera encore un trajet vers le bureau de poste le plus proche. Ceci concerne le voyage le plus direct pour votre bien venant de Chine. Si l’entreprise de livraison est basée ailleurs en Europe, ou si l’avion-transporteur atterrit dans un pays limitrophe, ce sont des kilomètres supplémentaires qui sont parcourus par le produit. On pourrait également ajouter à ces externalités le suremballage, mais aussi les renvois de commande lorsque celle-ci ne plait pas au consommateur. En Europe, ce sont 10 milliards4 de colis qui sont envoyés chaque année via une plateforme en ligne dont 54.6%5 proviennent de Chine. Il s’agit principalement de vêtements et de chaussures puisque 53%6 des achats sont des produits textiles. Cela représente des tonnes de déchets d’emballage et un nombre de voyages important entre ces deux parties du globe. L’impact négatif sur l’environnement est aussi accentué par les distributions finales vers le consommateur.
Dans ce domaine de la livraison aux particuliers, des acteurs en économie sociale comme « Dioxyde de Gambettes » ou le « Coursier wallon », sociétés coopératives, proposent une autre manière de se faire livrer et donc de consommer. Ces coopératives actives dans la logistique cyclo-urbaine invitent à repenser les services de livraison en ville par l’utilisation du vélo-cargo. Ce sont des initiatives de mobilité active qui ont pour volonté d’améliorer la circulation des biens de consommation en ville. Le « Coursier wallon » insiste particulièrement sur la promotion du commerce local et du circuit court. « Dioxyde de Gambettes » valorise principalement la livraison en bout de chaîne. Les deux initiatives sont propices également à promouvoir les voies piétonnes ainsi que la densification des pistes cyclables. Le but étant de maximiser les déplacements à taille humaine au sein de la ville tout en consommant autrement.