Paille-Tech, 10 ans plus tard

Créée il y a tout juste 10 ans, la coopérative Paille-Tech naît dans le berceau associatif. C’est en effet l’asbl Grappaille qui est à l’origine de ce projet rassemblant architectes et auto-constructeurs autour d’un objectif : développer la construction paille. « L’association dispensait des conférences et des formations, et proposait également un réseau d’entraide à celles et ceux qui se lançaient dans ce type de chantier. Puis est venu un projet concret : réaliser la toiture de la Cité s’invente, à Liège. C’est ce qui a permis à la coopérative de réunir le capital nécessaire à sa constitution. C’est aussi à ce moment que j’ai rejoint le groupe de fondateurs » relate Julien, administrateur en charge actuellement du développement commercial.

Paille-Tech place d’entrée la barre très haut : son objectif est de proposer des bâtiments à rendement optimal, dont l’ossature est préfabriquée sur mesure, et utilise les matériaux naturels que sont le bois et la paille pour atteindre ce niveau de performance. Mais son innovation réside ailleurs : elle enduit en atelier la paille d’argile, ce qui garantit à l’habitation des propriétés acoustiques, thermiques et hygrométriques exceptionnelles. « C’est un challenge qui nous a demandé des sacrifices personnels lors des 3 premières années. Il a fallu développer nous-mêmes nos machines, valider les outils de manière itérative, tout en pouvant convaincre nos prospects que nous allions y arriver et déjà conclure quelques contrats ». Et les premiers clients, convaincus de la première heure, de renflouer les caisses pour financer la Recherche et Développement.

Les fondations du projet solidement posées, la coopérative commence alors à se professionnaliser et à développer son carnet de commandes. « Nous espérons atteindre 100 maisons construites en 2021 ! Notre clientèle est essentiellement B to C, mais nous obtenons aussi des marchés publics et avons des demandes d’entreprises. Au vu de la nature de nos constructions et de notre préoccupation écologique, nous sommes également sollicités pour des projets d’habitats groupés ». Certes, la clientèle est plutôt aisée ou se donne les moyens, mais Paille-Tech répond aussi à des demandes plus partielles, se chargeant alors d’un aspect de l’habitat plutôt que de l’ensemble. Sa force : rendre la maison positive !

Financée en partie par W.Alter, l’entreprise namuroise compte en son sein 14 travailleurs, sous statut d’indépendant ou d’ouvrier, ainsi qu’une quarantaine de coopérateurs soutenants. Entreprise-témoin d’un secteur innovant et en pleine expansion, Paille-Tech est également membre du cluster éco-construction et génère un chiffre d’affaires annuel de 2 millions d’euros, une belle réussite en regard de l’épopée bohème des débuts. « On a clairement relevé un sacré défi, et il fallait être un peu fou pour croire en ce projet et nous soutenir. Mais le jeu en valait la chandelle et nous pouvons même dire fièrement que notre approche suscite beaucoup de reconnaissance en dehors de nos frontières ». De là à penser à y étendre son périmètre ? Si Paille-Tech porte les valeurs de l’économie sociale, travaillant notamment la question de la participation interne, elle est avant tout défenseur du circuit court et n’envisage pas cette option. « Nous voulons avant toute chose arriver à doubler notre production ici, localement, ce qui nous permettrait d’améliorer l’outil ainsi que nos conditions de travail. Ensuite, nous souhaiterions aider à la création d’autres coopératives de notre type, en décentralisation, avec une visée d’open-source. Nous pourrions ainsi imaginer le partage d’un savoir-faire articulé sur des services gratuits, et d’autres payants ».

Si la maison de paille a pris son envol, elle reste néanmoins attentive à l’évolution d’un marché concurrentiel où la coopération peut plus que jamais lui permettre de consolider ses acquis. De là à souffler la maison de brique ? L’histoire nous le dira.

En savoir plus : http://www.pailletech.be/
Rédaction : Grégory Dubois – www.stepentreprendre.be