L’histoire du groupe coopératif débute en 1941. A l’époque, le jeune prêtre José María Arizmendiarrieta s’installe dans la petite ville de Mondragón, non loin de Bilbao, au cœur du verdoyant pays basque. Une région industrielle reconnue pour la qualité de son acier, produit depuis le 11è siècle à partir du minerai de fer omniprésent dans les montagnes environnantes. Au lendemain de la guerre civile d’Espagne, une morosité ambiante pèse encore sur la vie communautaire, affaiblie par une pauvreté omniprésente. En 1943, désireux d’insuffler une nouvelle dynamique à la région, Arizmendiarrieta fonde une école professionnelle où il enseigne les bienfaits du travail et de la solidarité. En parallèle, il organise des événements culturels pour émanciper petit à petit la population. Aussi, il s’oppose au paternalisme industriel qui a la main mise sur l’activité économique locale. En 1956, pour encourager une forme d’entrepreneuriat où le travailleur participe activement aux prises de décision de l’entreprise, il crée avec cinq ingénieurs la coopérative ouvrière industrielle Ulgor. C’est le début d’une longue aventure, ou plutôt de « l’expérience », pour reprendre la terminologie propre au groupe.
Des chiffres étourdissants
Aujourd’hui, la Corporation Mondragón et le septième groupe industriel d’Espagne avec plus de 80 000 travailleurs et 266 entreprises (dont 98 coopératives) qui génèrent 11 milliards d’Euros de chiffre d’affaires dans des secteurs d’activité principalement axés sur l’industrie, la finance ou encore l’alimentation. Le groupe produit des pièces pour les plus grands constructeurs automobiles, occupe la cinquième place européenne en matière de production d’électroménager et détient une chaîne de supermarchés coopératifs, Eroski, de même qu’une banque, la Caja Laboral. Les entreprises sont réparties dans trois secteurs : l’industrie, la finance et le la distribution. En plus de son activité économique, la coopérative détient son propre système de sécurité sociale et de pension, plusieurs centres de recherche et de développement et une université, qui jouit d’une bonne renommée grâce au lien étroit qu’elle entretient avec les entités du groupe.
Un modèle bien rôdé
Outre le principe de gouvernance participative que l’on connait au sein de nos propres coopératives, Mondragón a développé au fur et à mesure un système de gestion complexe qui vise à atteindre une certaine croissance, pour assurer sa pérennité, tout en protégeant un maximum ses employés. Ainsi, il existe un principe de solidarité entre coopératives du groupe, qui s’entraident en cas de difficulté pour éviter un maximum de faillites. Aussi, une fois embauché, un employé est quasiment assuré de ne jamais être licencié sèchement. Si son poste disparaît, il sera réassigné à un autre poste. Sur le plan idéologique, le groupe défend la souveraineté du travail, qui est perçu comme moteur de progrès et source de richesse. Le capital n’a donc qu’une dimension instrumentale et est mis au service du travail. Le groupe applique également le principe de tension salariale, avec un rapport de un à six entre le salaire le plus faible et le plus élevé. Ce rapport était anciennement de un à trois, mais il a progressivement été augmenté pour éviter que les cadres ne se tournent vers la concurrence. En matière de redistribution des bénéfices, 10 % sont reversés à la région (selon une loi basque), 60 % sont préservés sous forme d’épargne et 30 % sont attribués aux travailleurs coopérateurs. Au niveau décisionnel, une assemblée générale a lieu chaque année, où le principe d’une personne, une voix, prévaut. N’importe quel membre peut devenir président.