Se libérer des GAFAM ?
S’il y a 5 ans, le discours était plus marginal, on entend aujourd’hui de plus en plus cette envie citoyenne de se détourner des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), cette envie d’indépendance face à ces multinationales étasuniennes, à la fois lointaines et omniprésentes, qui ont envahi nos espaces de vie et de travail via les outils numériques que nous utilisons au quotidien.
Entre désir et action, il y a cependant un grand pas. « Ce n’est pas simple. Beaucoup de gens sont freinés par les changements d’habitudes, par les démarches que peuvent entrainer un basculement vers d’autres plateformes, même lorsqu’ils sont super convaincus par notre démarche » explique Stijn Vanhandsaeme, co-fondateur de la coopérative Nubo. Le pari de Nubo ? Offrir une alternative locale, accessible et respectueuse des données, en proposant des adresses mail et un cloud 100% belges. Chez Nubo, les serveurs sont installés en Belgique, les prestataires aussi, et aucune publicité ou exploitation commerciale des données n’entre en jeu.
Ils sont, à l’heure actuelle, plus de 1000 à avoir cru en l’initiative en devenant coopérateurs, et plus de 800 à utiliser ses services au quotidien. Un chiffre encore éloigné de l’objectif des 2000 utilisateurs réguliers, qui permettrait d’atteindre une pleine stabilité financière. Si la coopérative a déjà gagné en solidité, elle s’appuie encore sur l’engagement précieux de bénévoles, moteur essentiel pour poursuivre son développement.
Vos outils numériques, version éthique
La demande pour une alternative accessible et éthique, ils ont pu la mesurer dès leurs débuts. Lors de la levée de fonds, une belle surprise : alors qu’ils avaient besoin de 50,000 euros pour lancer leur activité, ils en récoltent 100.000 ! L’élan se retrouve toutefois freiné par la crise de la Covid-19, qui met à l’arrêt toutes les actions de communication prévues sur le terrain pour faire connaître Nubo. Le développement technique, lui, poursuit son cours, mais prend un certain temps, car le choix de s’appuyer uniquement sur des logiciels libres existants pour intégrer l’ensemble des services – mail, cloud, procédure d’embarquement et facturation – relève du défi.
Etape par étape, Nubo se construit et propose aujourd’hui un ensemble complet de services, disponibles sur tous les appareils (Android, iPhone…). La messagerie électronique – qui permet de choisir entre une adresse @nubo.coop ou un nom de domaine personnalisé – et le cloud – l’espace de stockage en ligne qui permet l’édition de documents – sont au cœur de l’offre. Ils sont complétés par un calendrier, un carnet d’adresses, un outil de gestion des tâches, une plateforme de visioconférence et même un outil de gestion de budget, inspiré des solutions de partage de dépenses. À côté de cela, un groupe de bénévoles travaille actuellement à la mise en place d’une instance du réseau social Mastodon, qui offrira aux membres de Nubo un espace d’échanges indépendant des plateformes traditionnelles.
Imaginer et construire ensemble
Ces échanges au sein de leur communauté, le dialogue régulier avec ses coopérateurs, est particulièrement cher à Nubo. Les assemblées générales, moments traditionnellement formels, sont agrémentées d’ateliers thématiques où l’on discute de sujets variés. Exemple : Comment parler de Nubo ? Faut-il mettre l’accent sur les dérives des grandes entreprises américaines ou plutôt sur les bénéfices concrets d’une solution locale et coopérative ?
Au-delà de ces rencontres, les coopérateurs disposent aussi d’un forum, espace d’échange d’idées et de développement de projets. C’est par ce biais, par exemple, qu’un bénévole a proposé de se lancer sur Mastodon, ou que des volontaires ont contribué à des améliorations techniques. Cette ouverture au dialogue s’est également traduite par une grande enquête menée auprès des utilisateurs, qui a débouché sur l’ajout du service de visioconférence. « C’est un petit succès qui montre que la démocratie, ça marche », souligne Stijn Vanhandsaeme. Cette proximité se retrouve également dans le support : l’équipe propose un contact direct pour répondre aux questions et accompagner les utilisateurs, qu’ils soient à l’aise ou moins familiers avec les outils numériques.
Un numérique qui respecte l’humain
Le public cible de Nubo reste avant tout les particuliers, même si les petites structures sont les bienvenues. Les services ne sont toutefois pas conçus pour les entreprises de plus grande taille, qui ont souvent besoin de solutions sur mesure. Sur le terrain, la dynamique varie selon les régions. La plupart des utilisateurs se trouvent en Wallonie, où Stijn a pu remarquer que le modèle coopératif était bien ancré, et la critique des GAFAM, plus marquée. En Flandre, l’accueil est plus réservé, parfois teinté de résignation face à la domination des grandes plateformes américaines.
Pour Stijn Vanhandsaeme, le constat est sans appel : « Avec ce qu’on voit aux États-Unis, il devient extrêmement clair que les grandes plateformes n’agissent pas dans l’intérêt d’un monde meilleur. Ce n’est pas seulement une question de vie privée, mais aussi de démocratie : cette économie de la donnée, où les informations personnelles sont achetées, revendues et exploitées, doit cesser. Il n’existe pas d’acteurs majeurs qui agissent réellement dans l’intérêt des citoyens, de services qui respectent véritablement les valeurs humaines. C’est pour cela que nous continuons, et que nous pensons que des alternatives comme Nubo ne sont pas seulement utiles, mais nécessaires ». Une conviction qui guide la coopérative et qui, pas à pas, fédère une communauté décidée à reprendre la main sur ses outils numériques.
Plus d’informations: https://nubo.coop/fr/