Si autrefois, c’était l’Etat qui pouvait battre monnaie via la Banque centrale, aujourd’hui, ce sont les banques qui créent la monnaie par le biais du crédit. La banque anticipe une activité créatrice de richesse économique et octroie donc un crédit qui va permettre de la stimuler. Si le principe n’a rien de critiquable en soi, c’est son évolution qui pose problème. En effet, il fut un temps où les crédits ne servaient effectivement qu’à accompagner une croissance économique basée sur une économie réelle. Aujourd’hui, ils alimentent aussi artificiellement une hausse éphémère de titres financiers. On parle de formation de bulles financières, qui finissent tôt ou tard par éclater, puisqu’elles ne reposent sur aucune substance tangible, comme cela a été le cas en 2008 avec la crise des subprimes aux Etats-Unis, qui a entraîné un bouleversement économique mondial.
L’importance de la réappropriation citoyenne
En ce sens, la monnaie est un des rouages de cette finance déconnectée du monde réel, et il paraît urgent d’en changer la gouvernance, en la remettant aux mains de la politique et du citoyen, au service de besoins sociaux identifiés collectivement. Le modèle de la monnaie citoyenne est une des réponses à la problématique. Échangée contre des Euros, elle est utilisée dans un réseau d’entreprises locales et privilégie les circuits-courts, dans une logique de cercle vertueux. Le consommateur achète des biens de consommation à des producteurs locaux, qui font à leur tour circuler la monnaie, en l’utilisant par exemple auprès de leurs fournisseurs. Le but premier étant de recréer un lien entre ce bien public et les citoyens et de favoriser une solidarité dans les échanges entre acteurs d’une même région. Aussi, ces initiatives favorisent des emplois non délocalisables et permettent à des territoires en difficulté de renouer avec une dynamique économique et de tendre vers une certaine autonomie. Enfin, les fonds récoltés en échange de ces monnaies citoyennes peuvent également favoriser l’octroi de financement d’autres projets d’économie sociale.
Une progression en flèche
En l’espace de 7 ans, la Wallonie a vu naître pas moins de 10 nouvelles monnaies citoyennes. On en compte donc désormais 11, à savoir l’Epi lorrain à Virton, le Val’heureux à Liège et dans sa région, les Blés à Grez-Doiceau, le Talent à Ottignies/Louvain-La-Neuve, le Voltí à Rocherfort-Ciney- Marche, le Sous-Rire à Malmédy, le Lumsou à Namur, le Ropi à Mons, SolAToi à Ath, l’Adroise en Lesse & Semois et l’Orno à Gembloux. Sans compter que 3 autres verront le jour cette année. C’est le cas du Yar à Tournai, le Carol’or à Charleroi et la Zinne à Bruxelles, qui vient d’être inaugurée.
En décembre 2018, celles qu’on surnomme aussi les monnaies complémentaires représentaient un peu moins de 390 000 € en circulation, soit une augmentation de 86 % par rapport à l’année précédente. Le nombre de prestataires participants (867) connait aussi une progression en flèche, puisqu’il a quadruplé entre 2016 et 2018. Une croissance globale qui explique la nouvelle étendue territoriale de ces monnaies, qui couvrent aujourd’hui plus de la moitié des communes en Wallonie, contre 20 % il y a encore quelques années.