L’économie sociale : consommer solidaire du matin au soir !

Time. 6h55’, le réveil sonne. Ou plutôt, il éclaire progressivement ce petit matin d’hiver. C’est le type de produit pour lequel Cassandra et David n’ont pas encore trouvé d’alternative locale : fabriqué en Chine. Quand bien même, c’est en chinant du côté d’une Ressourcerie qu’ils ont trouvé la pépite, à peine usagée. Juste une petite marque. Tombé de sa table de nuit sûrement. La seconde main, ce n’est pas que pour les plus précarisés. Et franchement, chez les pros de la Récup’, on en trouve des trucs, qu’on se balade à Tournai, Namur ou Liège. Il faut dire qu’en Wallonie et à Bruxelles, on est pionniers avec Terre et les Petits Riens. A la Ressourcerie namuroise, on upcycle. Elle en jette, la table de nuit Ravik !

Le rituel matinal peut commencer : David descend faire le café tandis que Cassandra prend sa douche en premier. Il charge la cafetière italienne. Elle préfère le café machine en grains. Dans tous les cas, c’est du Ethiquable, une coopérative qui soutient le commerce équitable au Sud comme au Nord. Ils l’ont commandé sur le site de Circuits Paysans, une solution en ligne avec livraison en points relais dans la région. A Bruxelles, ils seraient sans doute allés chez CABAS. A Namur, ils auraient lorgné vers Paysans-Artisans, à Gembloux vers Agricovert, à Charleroi au Carolostore. Ce ne sont pas les enseignes qui manquent quand on veut consommer différemment, acheter de la qualité et soutenir les producteurs avec le prix rémunérateur.

Cassandra sort de la douche. Elle se dit que décidemment, ce savon ‘Formy’ produit par les Ateliers du Saupont lui plaît. Il est doux, il sent bon. Mais c’est maintenant l’odeur du pain grillé qui lui titille les narines. Frais d’hier, il vient de l’Amicale des Boulangers, une coopérative située dans le quartier Saint-Léonard, près de leur lieu de travail. De nos jours, on boulange de plus en plus autrement. Une nouvelle génération a décidé un autre modèle organisationnel et de s’octroyer des horaires décents. Son pain a le bon goût de la coopération. Dans ce domaine aussi, l’économie sociale s’affaire un peu partout sur le territoire.

David est à la bourre : il doit déposer sa voiture au garage. Franchement, il ne pensait pas trouver une solution en économie sociale. Et puis, son pote de l’ONG Autre Terre lui parla d’A.U.R.E.Lie. Pas une meuf’ mais bien un Centre de Formation et d’Insertion Socio-Professionnelle Adapté qui a une filière automobile. Le devis pour l’entretien y est plus de deux fois moins cher que chez le concessionnaire de la marque. Il se rappelle alors les bancs de l’unif et ce concept introduit par Madame Mertens : l’asymétrie d’informations. Ici, il ne sera pas un cochon de payant et contribuera à un projet social. L’ES est bien faite quand même.

Des Hauts Sarts, redescendre au bureau en transports en commun n’est certes pas le plus simple. Qu’à cela ne tienne : David a reçu hier le dernier Médor et se plonge dedans. ‘Journal ergonomique, petite taille, emportable à peu près partout, se glisse facilement dans une poche, attaché-case ou une serviette molle’. Il se marre. François Damiens avait décidément bien cerné l’objet ! Et dans le collectif de médias indépendants Kiosque, il y a l’embarras du choix. Le rayon rayonne d’articles éclairants sur notre société, de ses sombres recoins aux places les plus exposées.

Cass’ est bien arrivée au boulot. Elle se demande si elle n’a pas oublié quelque chose sur la liste. Le vendredi matin, Hadja vient nettoyer trois heures à la maison. Elle travaille pour une des nombreuses entreprises de titre-service de la région. Elle ne fera pas ça toute sa vie, c’est sûr. Dans sa boîte, on l’aide à définir un projet professionnel et à s’envoler vers autre chose. C’est ça aussi l’économie sociale, le bien-être du travailleur. L’Humain avant le profit. Et dans le titre-service, c’est un facteur de différenciation certain. Arf, Cass’ a oublié d’insister sur la salle de bain… les ados sont restés dormir mercredi et ont laissé un beau chantier. Mais c’est sûr, Hadja le verra. Totale confiance.

Aujourd’hui, Cassandra s’attaque à du lourd. Le groupe screene ses fournisseurs, avec l’idée de prendre les partis les plus solidaires possibles. A commencer par Cociter pour l’électricité. Sa collègue Yasmine connaît aussi, ça va rouler, il n’y a plus qu’à dérouler les critères et comparer. Elle n’avait en revanche jamais entendu parler de Neibo pour la téléphonie. Cass’ a toujours une longueur d’avance, claro. Au diable les clichés : l’économie sociale s’invite dans les projets technologiques et d’ampleur. Pour le chantier ‘salles de formation’, cela devrait être Cortigroupe. Petite rénovation et plantation d’un parterre : de quoi fournir du travail à une entreprise d’insertion tout en donnant la possibilité aux stagiaires de la filière CISP d’aborder l’apprentissage sur le terrain. Elle a toujours trouvé cette articulation géniale. Elle va aussi y faire appel pour leur privé.

On sonne à la porte. David descend et va accueillir le livreur. Entreprise de cyclo-logistique, Rayon9 dépose un colis de la Brasserie Coopérative Liégeoise. De la bière locale et bio livrée à vélo. L’économie sociale dans toute sa splendeur. Ici comme ailleurs. Pas encore l’heure de trinquer mais vivement le verre de fin d’année ! Il est bientôt midi. Il se dit que s’il était du côté du BW, il ferait bien une halte gastronomique à la Ferme de Froidmont ou chez Quatre Quarts, deux adresses qui régalent les papilles. Son crush des mois derniers. Le ‘20’, c’est top aussi, et c’est la porte à côté. Il l’a tellement intégré qu’il l’a presque oublié. L’économie sociale est partout, tous les jours.

Ellipse temporelle : Cassandra et David se lovent confortablement dans les sièges du Sauvenière. Ce soir, le cinéma liégeois accueille une projection-débat animée par Imagine demain le Monde. On va y parler des aléas climatiques et de la manière dont notre société peut faire corps social, en unité et résilience. Salle comble la veille au Caméo namurois, l’avant-veille au Nova bruxellois. David se remémore les inondations. Couvert par une assurance du Groupe P&V, il s’en est bien sorti. Au plus juste.

22h30’ : la salle se vide et leur vendredi s’achève. Pour eux, c’était une journée comme les autres, positive, teintée des mille et une couleurs de l’économie sociale. Ils sont tombés dedans il y a un petit temps déjà, ils ne savent déjà plus comment. C’était somme toute à portée de mains. Des leurs, des vôtres. Et tandis qu’ils regagnent paisiblement leur Hesbaye, s’affairent au loin les centres logistiques mortifères. Vendredi noir s’enorgueillissent les grands patrons. Nous leur préférons l’éclat journalier de l’économie sociale. Et vous ?