Coop-opération : le cinéma Nova et le festival Esperanzah ! en pleine levée de fonds

Si le périmètre de l’économie sociale englobe de facto le secteur culturel, constitué de nombreuses ASBL, celui-ci ne s’identifie pas toujours forcément à celle-ci. Et pourtant, il en représente 15% des entreprises employeuses en Régions wallonne et de Bruxelles-Capitale (source : baromètre 2022 de l’Observatoire de l’Économie Sociale). Au cinéma Nova, en plein cœur de Bruxelles, on conscientise encore plus cette identité depuis 2017, année de création de Supernova Coop, 20 ans après la fondation de l’ASBL qui en organise les activités.

‘Le Nova, c’est un projet de passionnés de cinéma d’art et d’essai, avec un fort engagement bénévole et une dimension collective qui s’exprime au travers d’une organisation en auto-gestion’ explique Laurent Tenzer, l’un des fondateurs de la coopérative. ‘A l’origine, on le pensait précaire. Mais comme sa salle, dédiée au spectacle depuis le début du XXe siècle, il traverse le temps. Il y a 7 ans, nous avons créé une coopérative dans l’espoir de pouvoir racheter la partie du bâtiment qui nous concerne. Dans l’impossibilité d’en faire des lots, le propriétaire privé de l’époque l’a vendu en totalité à la Société civile des Galeries royales Saint-Hubert. Arrivés sous peu au terme du bail, nous avons un accord avec elle pour une emphytéose de 68 ans qui nous permettrait de garder un budget de 10.000€ par an pour le bâtiment, au lieu de nous exposer à un nouveau loyer qui ferait vraisemblablement x6 au vu de la pression immobilière à l’œuvre dans la capitale’.

Coût total de l’opération : 794.000€, frais et investissements compris, un objectif à atteindre d’ici le 31 mars. ‘Nous sommes proches du but. 3000 coopérateurs nous ont déjà rejoints, et je peux dire que notre exemple inspire et touche une grande variété de publics. Pour un projet indépendant comme le nôtre, en marge des circuits commerciaux, cette opération immobilière comporte une symbolique forte. C’est un espace unique à préserver. Au cas où l’ASBL viendrait à cesser ses activités pour X ou Y raison, nous avons d’ailleurs prévu que la coopérative ne puisse le louer que pour des finalités similaires’. Avec des parts à 50 ou 1000€, labellisées ‘finance solidaire’ Supernova entend bien faire confiance à sa bonne étoile. Et si vous vouliez découvrir l’endroit, sachez qu’une programmation ‘fin de bail’ y est proposée jusque fin septembre.

Esperanzah !, entre opération économique et volonté de résilience
La coopérative Zah ! est quant à elle plus récente, créée le 23 novembre 2023 dans le giron d’un festival qui diffuse depuis longtemps la parole de l’économie sociale. Ses motivations sont différentes, puisqu’il s’agit en premier lieu d’éponger une lourde perte d’exploitation due à une météo exécrable le premier weekend d’août 2023. ‘Nous n’avions jamais connu ça’ précise Jean-Yves Laffineur, directeur de l’asbl Z !, derrière laquelle on trouve encore notamment le festival Jyva’ Zik. ‘Nous avons perdu 300.000€. Face à ce manque à gagner a rapidement émergé l’idée de faire appel à notre communauté. Nous voulons être plus résilients, mais aussi repenser l’événement avec ses parties prenantes. Dès lors, la forme coopérative s’imposait’.

Être copropriétaire d’un événement : voilà une première dans le paysage musical belge, une expérimentation que 150 coopérateurs ont pour l’instant choisi de rejoindre, à mi-parcours d’une levée de fonds dont l’objectif est donc de 300.000€. ‘Nous voulons solliciter notre base coopérative pour repenser avec elle l’événement. Il ne s’agira évidemment pas de programmation, mais bien d’appuyer notre identité, celle d’un festival vraiment alternatif, une fête consciente aux valeurs fortes, dans ce lieu unique qu’est l’Abbaye de Floreffe où nous voulons aussi commencer à penser une forme de décroissance’. Aux côtés de Zah ! qui prendra en charge les aspects commerciaux, techniques et logistiques, l’ASBL garde la main sur les volets sociaux, citoyens – dont le Plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles Sacha – et culturels.

Slam, théâtre, arts plastiques, projections, et bien entendu musique : Esperanzah ! entend donc bien faire d’une pierre deux coups et se renouveler sur un marché où la standardisation fait elle aussi son œuvre.

*le holding français Fimalac détient par exemple 49% des parts des Ardentes depuis 2019 déjà NDLR.

Nous ne voulons pas jouer dans cette cour, aux antipodes de ce que nous défendons. Chez nous, vous verrez comme toujours des artistes émergents, et je peux déjà vous annoncer la venue cet été de Zaho de Sagazan, primée aux dernières Victoires de la musique, ou encore de Yamé, un artiste franco-camerounais qui est un vrai coup de cœur’.

Salle obscure ou scènes de plein air : rendez-vous est pris pour un investissement citoyen qui occupe toujours plus la place publique.

En savoir plus : Supernova Coop / coopérative Zah !