Quant au modèle économique de ces réseaux d’alimentation durable, il s’appuie sur les principes de l’économie sociale, et mise sur une diminution des intermédiaires entre producteur et consommateur. L’objectif étant de mieux rémunérer les producteurs locaux, qui privilégient l’agroécologie à l’agriculture intensive, tout en offrant des aliments de qualité aux consommateurs, à des prix souvent inférieurs à des produits bio dans la grande distribution. « Le modèle coopératif à finalité sociale nous permet d’avoir une plus grande marge de manœuvre, puisque notre objectif n’est pas le profit en soi. On prône aussi la simplicité volontaire en limitant la gamme de produits en vente, et en privilégiant la vente en vrac, ce qui réduit les coûts de gestion ».
Quels défis pour changer d’échelle ?
Pour Benoît Dave, la première condition de développement des circuits courts a été remplie, puisque la demande a désormais atteint un certain palier. A présent, il s’agit de développer l’offre, en renforçant le savoir-faire et l’encadrement de l’écosystème, tout en élargissant les parties prenantes. « Un de nos chantiers est de travailler main dans la main avec les magasins à la ferme, qui connaissent de plus en plus de succès. Nombre d’entre eux s’approvisionnent chez des grossistes de type Biofresh. Notre objectif est de les convaincre de se fournir chez les petits producteurs du réseau qui, à leur tour, feront appel à eux. C’est un cercle vertueux ». En concertation avec le Collectif 5C, il est prévu de lancer très prochainement un nouveau label pour stimuler le réseau.
Un renforcement de l’écosystème qui passe aussi par le financement des infrastructures nécessaires pour récréer des filières, comme c’est le cas de l’aide Hall-relais agricoles. « Il y a des filières qui ont été démantelées au profit de l’international. Si on regarde notre production de céréales, on constate que seuls 9 % sont destinés à la population locale, et 11 % sont exportés. Le reste est utilisé pour nourrir les animaux et produire de l’agro-carburant. Ce qui fait que 2/3 de notre pain est importé », explique Christian Jonet.
A n’en pas douter, cet aspect est intrinsèquement lié aux politiques publiques. Et si la tendance est plutôt encourageante à ce niveau-là, il est primordial que les bonnes intentions se transforment en mesures concrètes. « En Wallonie, il y a des signes encourageants, comme le soutien à la mise en place de conseils de politique alimentaire, qui répond à notre demande de démocratie alimentaire. Il y a aussi les politiques alimentaires durables, comme la stratégie « Manger demain », qui comprend le Green Deal Cantines Durables. On sent qu’il y a une prise de conscience du politique sur le potentiel de ses leviers d’action, mais pour l’instant, la mise en œuvre des annonces manque encore de concret et de moyens ».
Et bien que la Politique Agricole Européenne pousse dans la mauvaise direction, notre interlocuteur rappelle que nos gouvernements ont une marge de manœuvre à saisir. Rappelons ici que l’organisation de notre sécurité alimentaire est un enjeu primordial au regard de la crise sanitaire que nous traversons, comme le rappelle un collectif d’experts dans cette opinion adressée à la Première ministre. Un contexte qui met en lumière les failles du commerce international, qui met à mal les filières orientées vers l’exportation, comme c’est le cas de la production laitière. L’intérêt de réinvestir le marché de la consommation locale est dès lors aussi de gagner en résilience économique.