Elle fascine certains comme objet culturel, mythifiée par le cinéma et des films comme Le Parrain. Elle choque une majorité d’autres comme blessure du réel, ou compose un mélange des deux : la Mafia ne laisse certainement pas indifférente, et incarne l’image d’une criminalité hautement organisée, certes déclinée sous de nombreuses autres formes. Il n’est dès lors pas un hasard que vienne d’Italie un dispositif d’innovation sociale qui réponde à ses méfaits, rendant à une économie vertueuse le patrimoine de celles et ceux qui trichent et salissent. ‘’Il faut parler avant toute chose d’un mouvement antimafia’ explique Marcella. ‘Celui-ci a toujours existé en Italie, mais de manière morcelée. C’est à la suite des attentats sanglants contre les juges Falcone et Borsellino, en 1992, que la société civile a commencé à se mobiliser, à Palerme et dans d’autres villes. En 1995 est née Libera, une association antimafia sociale doublée d’un réseau d’associations et acteurs engagés. Aujourd’hui, Libera regroupe 1600 associations.’ En 1996, à la suite d’une pétition récoltant un million de signatures, l’association antimafia obtient la promulgation de la loi 109/96 qui permet la réutilisation publique et sociale des biens saisis ou confisqués aux mafias.
Début des années 2000 et sur cette base, la mobilisation prend également une tournure entrepreneuriale. Différents acteurs (associations, entreprises sociales, entités publiques) commencent à occuper et gérer des lieux qui appartenaient aux mafieux. De ces expériences ont émergé de nombreuses coopératives agricoles. Le Consortium Libera Terra voit quant à lui le jour en 2008. Composée de neuf coopératives, ‘la terre libérée de la mafia’ développe un modèle d’agriculture durable sur des terrains confisqués dans différentes régions du sud de la Botte : Sicile, Pouilles, Campanie, Calabre. Libera Terra produit du vin, des pâtes, de l’huile d’olives, et bien d’autres denrées dont certaines sont commercialisées chez nous, notamment par Oxfam. ‘C’est une belle réussite, de la création d’emploi, de valeur sociétale, qui permet de lutter contre la criminalité. L’économie sociale est un contre-pouvoir : elle crée de la justice sociale et endigue les aspirations criminelles. Par son action territoriale, elle en combat les causes, l’extrême pauvreté et la perte de lien. Elle répare mais aussi prévient, éduque, et fait bien souvent de l’antimafia sans le savoir’.