A l’occasion de cette journée internationale des personnes en situation de handicap, la Fédération bruxelloise des ETA invite les futurs responsables politiques bruxellois à mettre en œuvre au plus vite les recommandations des chercheurs du CIRIEC qui livrent, dans l’étude commanditée par la COCOF, des recommandations structurelles nécessaires pour sauver le secteur à long terme. Dans l’immédiat, il faudra trouver une nouvelle aide « sparadrap » de 3 millions pour permettre à ces asbl de garder la tête hors de l’eau suite aux pertes de 2024.
Journée internationale des personnes en situation de handicap : le travail adapté bruxellois en grande difficulté
-
Un "New Deal" indispensable pour sauver le travail adapté à Bruxelles
-
Un secteur en péril
Les marchés traditionnels sous-traités auprès des ETA évoluent ou disparaissent de Bruxelles. Le travail sur des chaînes de production – activité très répandue dans le secteur – devient rare en raison de la désindustrialisation, de la mécanisation des tâches et de la main-d’œuvre low cost étrangère. Cette situation menace gravement les emplois des travailleurs en situation de handicap. Pour compenser ces marchés qui s’évaporent, les ETA – entreprises placées en situation de concurrence sur le marché – innovent en développant des activités économiques plus en lien avec la demande bruxelloise.
Si ces métiers de service répondent mieux aux objectifs d’inclusion puisqu’ils renforcent les contacts entre les travailleurs du secteur et la clientèle, ils exigent une main-d’œuvre plus qualifiée et/ou un encadrement plus important et adapté. Par ailleurs, l’absentéisme augmente, notamment en raison du vieillissement des travailleurs et des maladies de longue durée, liées à la fragilité inhérente des personnes porteuses de handicaps. Les ETA doivent aussi faire face à des problématiques spécifiques de handicap social et psychologique, qui nécessitent un suivi constant et spécialisé.
Jean Wouters (Président de la FEBRAP) résume la situation : « La Belgique est le seul pays européen qui assure à ses travailleurs le salaire minimum moyen garanti. Avant, cela fonctionnait, car les subsides publics compensaient globalement la perte de productivité liée aux handicaps de nos travailleurs. Cela nous permettait de jouer à jeu égal avec les entreprises qui n’engagent pas de personnes en situation de handicap, ce qui est parfaitement logique. Ce n’est plus le cas depuis des années car le type de missions confiées aux ETA a changé alors que les règles qu’on nous impose et nos subventionnements ne sont plus adaptés. Par ailleurs, dans les autres pays européens, les entreprises sont soit sanctionnées quand elles ne collaborent pas avec le travail adapté (via l’imposition de quotas d’engagement notamment), soit récompensées quand elles le font (par exemple via une réduction des obligations). En Belgique, nous n’avons aucun des deux systèmes. Les politiques doivent comprendre que sans carotte, sans bâton, sans règles adaptées et sans subventionnement suffisant… maintenir l’équilibre économique et social devient impossible. »
Mandatés par le Gouvernement Vervoort et la COCOF, des chercheurs du CIRIEC (Centre International de Recherches et d’Information sur l’Economie Publique, Sociale et Coopérative) ont livré en mai dernier une étude pour assurer un avenir à ces emplois ‘extra’ ordinaires. Ils y dressent un constat précis : les ETA sont aujourd’hui contraintes d’évoluer dans un contexte de diversification rapide de leurs métiers pour leur permettre de continuer à assurer leur mission sociale. Les chercheurs proposent un « New Deal » sur base de 21 recommandations.
-
Des recommandations pour sauver le secteur à long terme
En quelques mots, ces recommandations mettent en avant la nécessité d’augmenter et de flexibiliser le taux d’encadrement des travailleurs en situation de handicap, de diversifier les métiers pour s’adapter à la réalité économique, et de mieux aligner les subventions sur la complexité des nouvelles activités des ETA.
Voici quelques recommandations clefs :
- Le CIRIEC recommande de dimensionner les subventions d’encadrement en fonction des besoins réels des travailleurs et des complexités additionnelles, afin que les ETA puissent rivaliser avec les entreprises ordinaires dans ces secteurs compétitifs. Il est vrai que les ETA doivent pouvoir aujourd’hui compter sur un taux d’encadrement supérieur et plus qualifié pour répondre aux exigences des activités porteuses à Bruxelles pour le travail adapté. Parallèlement, il est également nécessaire d’augmenter l’attractivité de ces métiers (aux barèmes assez bas) et de mieux les valoriser.
- Pour donner aux ETA la flexibilité nécessaire, le CIRIEC préconise une simplification administrative avec un passage à un système de contrôle a posteriori. Il leur permettrait de gérer plus librement leurs financements tout en réduisant les charges administratives.
- L’étude met en lumière un autre besoin pressant : l’adaptation des soutiens pour les travailleurs vieillissants ou atteints de pathologies de longue durée. Le CIRIEC appelle à renforcer les dispositifs de suivi social et médico-social au sein des ETA, pour offrir aux travailleurs des options de reconversion interne et des aménagements adaptés. Un tel accompagnement est essentiel pour garantir une intégration continue et un bien-être durable pour un nombre important de travailleurs. En outre, un passage d’un nombre de postes subventionnés (limité actuellement à 1450 personnes physiques) à un nombre en équivalents temps plein donnerait également de la flexibilité et permettrait d’accorder sans conséquences des temps partiels à ceux qui en ont besoin, et de diminuer le taux d’absentéisme particulièrement élevé.
Pour pallier le manque de débouchés pour les travailleurs en situation de handicap, le CIRIEC recommande la mise en place de quotas d’embauche dans les secteurs public et privé, assortis de pénalités pour les employeurs qui ne respecteraient pas ces obligations. En complément, les entreprises ordinaires pourraient être encouragées à sous-traiter des missions aux ETA, contribuant ainsi à la stabilité économique du secteur tout en remplissant leur rôle social. Ce modèle vise à assurer une intégration économique plus fluide et durable pour les ETA.
-
À court terme : une nouvelle aide exceptionnelle
Les ETA bruxelloises traversent une crise financière majeure. Entre 2015 et 2024, les résultats d’exploitation montrent une baisse continue, et les aides exceptionnelles – dites « sparadraps » – en 2020, 2022 et 2023 n’ont pas suffi à compenser les pertes. La hausse des coûts salariaux, des charges et des matières premières, combinée au contexte énergétique difficile, a plongé de nombreuses ETA dans une situation critique.
C’est pourquoi la FEBRAP exhorte le nouveau gouvernement à intervenir dès son début de mandat pour accorder une nouvelle aide d’urgence de 3 millions aux ETA pour garantir leur viabilité en attendant les réformes nécessaires plus ambitieuses du « New Deal ».
-
© FEBRAP
-
Un appel aux décideurs : l’inclusion ne peut attendre
En cette journée du 3 décembre, la FEBRAP demande aux partis pressentis pour former le futur gouvernement de la COCOF un engagement concret pour mettre en œuvre les recommandations du CIRIEC et soutenir durablement le secteur des ETA. Si ce n’est pour une raison strictement éthique, le pouvoir public a tout intérêt à soutenir le travail adapté pour une raison économique : un travailleur en situation de handicap coûte bien moins cher à l’Etat qu’un demandeur d’emploi ou un bénéficiaire en centre de jour.
Les ETA sont bien plus que des lieux d’emploi pour personnes en situation de handicap. Ce sont de véritables entreprises qui adaptent des activités ordinaires aux besoins spécifiques des travailleurs en situation de handicap, leur offrant des emplois valorisants et adaptés à leur niveau de compétences. L’étude du CIRIEC reconnaît d’ailleurs que les ETA bruxelloises offrent à leurs travailleurs des perspectives professionnelles plus valorisantes que celles disponibles dans le circuit de travail ordinaire, un facteur essentiel pour l’inclusion sociale et professionnelle de ce public. En conclusion, parce que les ETA sont des acteurs essentiels de notre société, elles méritent un soutien proportionnel à leur impact social.
Texte et source : CP Febrap