Ils sont huit anciens employés à mettre tout en œuvre pour redonner vie à l’illustre globeleterie Durobor, qui pourrait célébrer son centenaire en 2028. Tous y croient dur comme verre, et le plan financier qu’ils ont élaboré démontrerait toute la viabilité du projet. La renommée de leurs produits n’est plus à prouver et les promesses de bons de commande vont bon train. Si l’ambition est de relancer l’activité par le biais d’une coopérative de travailleurs associés, le défi est néanmoins de taille. Selon les dernières estimations divulguées dans la presse, au minimum 2.5 millions d’Euros seraient nécessaires pour relancer la machine.
Un passé compliqué
Si Durobor est reconnue sur le plan international pour la qualité des verres qu’elle produit, on lui doit notamment la fameuse bulle d’air capturée dans le pied du verre et la gamme Jupiler, l’entreprise n’en a pas moins connu de lourdes difficultés structurelles au cours des dix dernières années. Principalement en cause, le vieillissement de ses installations, nécessitant d’importants investissements pour être remises aux normes, ce qui aura finalement eu raison de son activité en avril dernier, moment où l’entreprise a été déclarée en faillite. En 2017, elle avait été reprise par l’investisseur hollandais Herman Green, épaulé à hauteur de 48 % par la Sogepa, branche de la SRIW, qui intervient financièrement dans des gros projets entrepreneuriaux en difficulté pour maintenir l’emploi régional. Avant cela, en 2015, la Région Wallonne avait déjà investi 15 millions d’Euros pour maintenir l’entreprise à flot. 16 millions d’Euros supplémentaires auraient été nécessaires pour moderniser les installations, mais les banques n’ont pas suivi. 140 employés ont ainsi été licenciés, avec l’arrêt momentané d’une des plus grandes fiertés de la région.
Quels scénarios possibles ?
Comme nous l’explique l’Agence Conseil Propage-s, qui a été sollicitée pour conseiller les travailleurs dans leurs démarches, les options de relance sont multiples. D’après l’agence, la force du projet est l’expertise des huit employés qui l’ont élaboré, ces derniers ayant occupé des postes stratégiques dans l’entreprise. Ils connaissent le business comme leur poche et mettent tout en œuvre pour convaincre les pouvoirs locaux et investisseurs de les soutenir. La bourgmestre de Soignies, Fabienne Winckel, les encourage publiquement, et le dossier est en train d’être peaufiné avant une rencontre imminente avec la Sogepa qui détient, outre les 48 % des parts, également les bâtiments. Sur le plan purement commercial, les employés ont prévu un plan stratégique à plusieurs scénarios, qui pourrait selon le montant investi, garantir jusqu’à 110 emplois, sur une période minimale de 10 ans. Soucieux de mettre aux normes la machinerie, ils ont également pour ambition de s’adapter au marché, en produisant par exemple des bocaux destinés aux achats en vrac. De nombreux clients potentiels ont été démarchés et les estimations de vente et de production seraient encourageantes.
Dès lors, quelles sont les options qui s’offrent à eux ? Sans toutes les énumérer, il se pourrait par exemple que la Sogepa leur octroie l’usufruit des bâtiments, avec une option de rachat après plusieurs années, en fonction de la viabilité effective du projet. Un autre scénario serait un rachat d’un repreneur extérieur, qui donnerait les commandes aux huit porteurs de projet, en guise d’équipe exécutive. La reprise des parts pourrait ainsi se faire sous forme de coopérative de travailleurs associés, régie par un arrêté wallon introduit en juillet 2016 pour encourager la transmission et la reprise de PME par les travailleurs. Cette forme d’entreprise est courante en Europe, notamment en France, sous le nom de SCOP, mais connait encore peu d’engouement en Belgique, pour diverses raisons (culture d’entreprise, mesures fiscales, syndicats, …). Sa spécificité est de laisser le rennes décisionnelles aux travailleurs, même si ces derniers ne sont pas actionnaires majoritaires. Une journée de réflexion aura lieu à ce propos le 20 septembre prochain pour débattre des outils et méthodes à mettre en place pour développer le modèle.
Une prise de risque non négligeable
Si nous en saurons plus sur la faisabilité du projet dans le courant des prochaines semaines, il faut garder à l’esprit que la prise de risque financière n’est pas négligeable, surtout dans le milieu industriel. On se souvient à ce propos du cas Difrenotech, cette usine spécialisée dans la réparation de pièces de camion qui avait été reprise par ses travailleur fin 2017. Celle-ci a finalement dû cesser ses activités. En effet, l’ancien propriétaire, qui s’était délocalisé, a décidé de lui mettre des bâtons dans les roues en cadenassant le marché, s’imposant comme nouvel intermédiaire obligatoire dans le reconditionnement des pièces. Un exemple qui montre la complexité et la concurrence exacerbée qui peuvent sévir dans le milieu. Des scénarios qui ne sont évidemment pas évidents à anticiper.
Sources : Sudpresse & Propage-S