Jamais l’objectif de relever le taux d’emploi n’a été aussi central. Le gouvernement fédéral en a fait une priorité en fixant la barre à 80 %. Pourtant, au niveau régional, la réforme envisagée conduirait… à affaiblir ceux qui, justement, contribuent à cet objectif. Paradoxal, non ? Actuellement, le gouvernement wallon souhaite uniformiser les aides à l’emploi, laissant supposer que chaque situation est égale. Or, remettre à l’emploi une personne de 55 ans, sans diplôme, éloignée du marché du travail depuis dix ans, ne ressemble en rien à une embauche classique. Nier cette réalité n’est ni responsable, ni pragmatique. Nous, acteurs d’insertion et de remise à l’emploi, l’expérimentons tous les jours. Mettre à l’emploi des personnes éloignées du monde du travail nécessite une approche et une politique d’emploi différenciée, sur un temps long.
La mise à l’emploi des plus fragiles : un bénéfice pour toute la société
Aux quatre coins de la Wallonie, plus de 250 entreprises d’insertion et de formation par le travail (EFT) accompagnent des milliers de travailleurs vers un emploi durable et non délocalisable dans la construction, l’informatique, l’alimentation locale, la mobilité, le réemploi, les titres-services…
Elles offrent un encadrement adapté, un accompagnement et une formation progressive. Leur modèle repose sur un principe simple : l’humain avant le profit. L’ensemble des bénéfices réalisés est réinjecté dans l’activité économique. Ce modèle (« l’économie sociale d’insertion ») est soutenu via des aides à l’emploi pour permettre un accompagnement adapté des personnes embauchées.
Parmi ces soutiens, le dispositif SINE occupe une place centrale : il permet aujourd’hui à plus de 4.000 travailleurs très éloignés du marché du travail d’être mis et maintenus dans l’emploi, de retrouver une dignité et une place dans la société. La réforme envisagée viserait à intégrer SINE dans une prime à l’embauche unifiée, moins ciblée. Autrement dit, ce serait supprimer la mission d’insertion aux entreprises sociales.
Un moment charnière
De plus, le moment est crucial. Les prochains mois verront entrer en vigueur une réforme du chômage qui renforcera la pression sur les chercheurs d’emploi. Dans ce contexte, le rôle de l’économie sociale d’insertion n’a jamais été aussi déterminant. L’économie sociale d’insertion est un outil pour la mise en œuvre des objectifs du gouvernement. Nous voulons être reconnus pour cela.
Le secteur ne s’oppose pas à une réforme du dispositif SINE. Ce que nous refusons, c’est la standardisation aveugle qui gomme les besoins des personnes engagées. Accompagner un public fragilisé est un métier (le nôtre) qui requiert des moyens proportionnés et des dispositifs adéquats. C’est pourquoi nous souhaitons être associés à cette réforme et nous demandons un renforcement de l’économie sociale d’insertion.
A l’heure où l’on appelle à plus d’efficacité des finances publiques et plus d’emplois, affaiblir l’économie sociale d’insertion via le SINE serait une erreur stratégique, avec des conséquences tant économiques qu’humaines. Simplifier les soutiens publics, oui. Mais casser les entreprises qui contribuent à la remise à l’emploi, non.