« La Fabrique est née d’une rencontre entre SAW-B et la Fondation Cyrys, il y a trois ans, autour du constat qu’à Dinant, il y avait beaucoup à faire en matière d’entrepreneuriat et d’économie sociale, en particulier pour répondre aux besoins sociaux », raconte Anne-Lise Declerck, responsable de la Fabrique à Initiatives. La Fondation Cyrys, qui soutient des projets dans les communes d’Anhée, Dinant, Hastière, Houyet, Onhaye et Yvoir, apporte les fonds et son expertise du terrain, et SAW-B, l’expertise en économie sociale.
Le modèle est inspiré du réseau des Fabriques à Initiatives en France, où elles sont une trentaine réparties sur l’ensemble du territoire. La Fabrique de Dinant est la première importée sur le sol belge. Son objectif est de travailler sur les besoins peu ou mal couverts et de faire monter le territoire en compétences, afin de construire des solutions pérennes.
Un rôle de facilitateur
Pour la création de ces projets, la Fabrique à Initiatives joue le rôle de facilitateur, de tisseur de liens. Elle ne vise pas à être une agence conseil, mais plutôt une sorte de « boîte à outils » qui connecte les porteurs de projets aux bons partenaires, qui coordonne afin d’éviter le travail en silo.
Ce qui la différencie aussi, c’est son approche ancrée dans la ruralité et sa posture de tiers impartial. « On n’est ni une administration, ni un bureau de conseil. On agit comme un tiers neutre, ancré dans la vie locale mais libre des logiques institutionnelles. Cette position nous permet de garder du recul, de relier les acteurs entre eux et de faire émerger des idées nouvelles », explique Anne-Lise. Afin de coller au réel, elle prend le temps de comprendre les habitudes, les freins, les forces du territoire pour mieux y répondre. « Les Dinantais ne vont pas à Namur pour être accompagnés, même si ce n’est pas si loin. Les réalités rurales sont différentes, et il faut ancrer les accompagnements au plus près du terrain. »
Du potager à l’abbaye : des projets à l’image du territoire
La Fondation Cyrys se concentre sur les projets socio-environnementaux, mais la Fabrique, elle, est multithématique. Elle s’ouvre à toutes les initiatives qui répondent à des besoins locaux, sans se limiter à un secteur précis.
Parmi les premiers projets accompagnés, on retrouve celui du quartier d’Herbuchenne avec la régie de quartier de Dinant. Dans ce quartier perché sur les hauteurs, où les habitants sont souvent isolés et les services difficiles d’accès, la Fabrique à Initiatives a accompagné la création d’un potager partagé.
« Au départ, on voulait répondre à un problème d’accès aux services. Mais on s’est vite rendu compte que les habitants ne se connaissaient même pas. Le potager est devenu un prétexte pour recréer du lien. (…) Beaucoup sortaient peu et n’osaient même pas planter une fleur devant chez eux parce qu’ils avaient l’impression de ne pas y être autorisés. Le potager leur a permis de se réapproprier l’espace commun et construire une identité collective. Aujourd’hui, ils jardinent ensemble, se baladent ensemble, font leurs courses ensemble… »
Un autre exemple : l’accompagnement des sœurs de l’abbaye de Maredret dans la création d’un centre de bien-être. Une douzaine de religieuses âgées gèrent comme elles le peuvent cet énorme espace et assurent déjà plusieurs petites activités, mais sont à la recherche de nouvelles sources de revenus. « Elles sont en quête d’un équilibre entre vie spirituelle et activité économique. Elles suivent les préceptes d’Hildegarde von Bingen – lien à la nature, méditation, plantes médicinales – qui résonnent parfaitement avec l’environnement de l’abbaye, et l’idée est d’en faire un lieu de ressourcement ouvert à tous. » Une initiative qui illustre comment la Fabrique relie patrimoine, économie et besoins locaux.
Et lorsque la Fabrique n’est pas l’acteur le plus adapté, elle renvoie les porteurs de projets vers des partenaires plus pertinents, en fonction de leurs besoins. Elle travaille main dans la main avec des agences telles que Crédal, Job’In ou encore avec le Forem, et veille à ce que chacun trouve l’accompagnement qui lui correspond le mieux.
Découvrir l’entrepreneuriat social
« Certaines ASBL locales ne savent même pas qu’elles font partie de l’économie sociale » , constate Anne-Lise. Pour sensibiliser les acteurs de la région, la Fabrique organise le 15 octobre une grande journée autour de l’entrepreneuriat social, avec des ateliers pour passer de l’idée au projet et plusieurs témoignages de personnes ayant passé le pas. « Cette journée sera l’occasion de montrer qu’on peut entreprendre autrement, et que des solutions existent ici, à Dinant ».
Jusqu’ici, Anne-Lise portait seule la Fabrique. « À partir de lundi, nous serons deux », sourit-elle. L’équipe s’étoffe, et la structure est officiellement constituée en ASBL depuis septembre. La Fabrique souhaite désormais diversifier ses financements, en combinant les soutiens de la Fondation Cyrys avec des projets européens Interreg ou encore des formations. « On n’est plus dans la phase d’expérimentation, on veut ancrer des projets collectifs durables », affirme Anne-Lise. À Dinant, l’économie sociale pousse à son rythme – et visiblement, le terreau est fertile.
Plus d’informations sur https://lafabriqueainitiatives.be/