a. le gaspillage
Le capitalisme est un système économique qui fonctionne à l’envers. Dans la plupart des sociétés pré-capitalistes, paysans et artisans savaient à peu près combien il fallait produire pour répondre aux besoins de la communauté à laquelle ils appartenaient. Il était donc rare qu’il y ait plus de production que nécessaire. Le capitalisme, lui, produit d’abord, et répartit ensuite à travers le marché. Mais il a atteint une telle hausse de productivité qu’il peut se permettre de produire bien plus que nécessaire pour être sûr de conquérir de nouveaux marchés si ceux-ci se présentent. Dans de nombreux secteurs, le gaspillage est immense !
Une économie qui définirait collectivement les besoins, et organiserait la production selon ces besoins, pourrait donc optimiser largement sa production et réduire l’énergie nécessaire. Faisons quelques calculs.
Le secteur alimentaire représente un tiers des émissions de CO² mondiales, soit environ 18,4 milliards de tonnes.
On estime que 20% de la nourriture mondiale est gaspillée chaque année par l’industrie agro-alimentaire et les ménages. Ce gaspillage immense pourrait être radicalement réduit, à condition d’une modification importante de notre manière de produire, mais sans qu’il y ait la moindre privation alimentaire. Par exemple en organisant les producteurs alimentaires au niveau mondial selon les besoins de la population (définis de manière démocratique) et non pour vendre un maximum. Du côté des consommateurs, un dense réseau de cantines de quartier pourrait permettre à chacun de manger à sa faim en évitant le gaspillage au maximum. Une proposition qui permettrait également de renforcer les liens, de choisir collectivement des plats moins polluants (moins de viande par exemple), et de se partager collectivement le temps de cuisine. En tout, organiser la production mondiale de nourriture d’un bout à l’autre de la chaîne autour des besoins collectifs, réduirait potentiellement de 3,68 milliards de tonne (6,7% des émissions de CO2 mondiales).
Un autre secteur très polluant est celui du textile. Selon le parlement européen, le secteur textile représente 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. On estime que 30% des vêtements produits ne sont jamais vendus. Ici, une industrie adaptée aux besoins diminuerait donc de 3% les émissions de gaz à effet de serre, sans devoir rien changer d’autre.
Pour le secteur de la construction, c’est plus compliqué. Le secteur représente également 11% des émissions. Mais le principal problème est que les promoteurs immobiliers préfèrent détruire et construire du neuf, voire même laisser un logement à l’abandon, plutôt que de rénover, ce qui serait bien moins couteux en énergie et donc en CO2. Pour revenir sur le gaspillage que cela crée, nous avons identifié 12 pays qui ont le plus de maisons vides dans le monde. Avec seulement ces 12 pays, nous arrivons à 110 millions de logements vides. La construction d’un nouveau logement produirait environ 850 kg de CO2, alors que la rénovation ne coûte en moyenne que 125 kg de CO2 par bâtiment. Cela signifie que rénover ces 110 millions de logements vides plutôt que d’en construire de nouveaux permettrait potentiellement de sauver 79 milliards de tonnes de CO2 (sans compter les sommes permises par la rénovation). Sachant que rien que la Chine construit chaque année 7 millions d’appartements, on peut facilement estimer que, si le secteur de la construction répond aux besoins réels plutôt qu’à la recherche de profit, on peut facilement réduire de 5 milliards de tonnes (9% du total) les émissions de CO2 par an.
Avec ces trois secteurs, sans rien changer à la consommation des individus, mais juste en combattant le gaspillage, nous réduirions donc déjà les émissions de gaz à effet de serre de 14,7% !
b. L’obsolescence programmée
Dans le cadre du capitalisme, l’intérêt est de vendre le plus de produits possibles. Vendre des produits qui tiennent longtemps revient donc à se tirer une balle dans le pied, étant donné que cela signifie éloigner ses clients qui n’auront plus besoin de revenir chez vous avant longtemps. Exactement l’inverse d’une économie qui se baserait sur les besoins, où au contraire il serait bien plus avantageux de faire tenir les produits le plus longtemps possible pour optimiser l’utilisation d’énergie.
Estimer précisément les coûts de cette pratique est très difficile, d’autant que le secret des affaires permet aux constructeurs de ne dévoiler aucun détail des processus de construction, sous prétexte de compétition. C’est pourquoi nous nous baserons ici sur des calculs faits par le collectif Halte à l’obsolescence programmée, qui ont estimé que si l’on allongeait de 50% la durée d’utilisation des principaux produits manufacturés, il y aurait pour la France une diminution de 77 millions de tonnes de CO2 par an. Si l’on extrapole ce chiffre proportionnellement au PIB de la France (3% du PIB mondial), cela fait un total de 2,57 milliards de tonnes CO2 (4,6% du total) qui pourraient être économisés en produisant moins et de meilleure qualité.
c. La publicité
La publicité fait partie intégrante du système capitaliste. Les publicités sont surtout nécessaires pour la compétition des commerçants entre eux, qui cherchent à obtenir un maximum de parts de marché. Il ne s’agit pas là d’un jugement de valeur, mais d’une nécessité dans un monde capitaliste, où il y a trop de produits par rapport à la demande, et seuls ceux qui arrivent à les vendre survivront.
Un groupe de réflexion britannique a tenté de calculer l’impact en termes d’empreinte carbone de la publicité en Grande-Bretagne. Ils ont calculé combien coûtait la publicité dans chaque secteur, combien elle rapportait (donc qu’est-ce qu’elle avait créé comme achat non-indispensable) et ils ont repris les chiffres d’émissions par £ qui sont habituellement donnés pour ce secteur ainsi que pour la publicité. Ils sont arrivés au chiffre impressionnant de 186 millions de tonnes de gaz à effet de serre pour la Grande-Bretagne. Ce chiffre peut être extrapolé à l’échelle mondiale en proportion du PIB du pays (3,2% du PIB mondial). On peut donc estimer au niveau mondial le coût en CO2 de la publicité à 5,8 milliards de tonnes (10,4%).