Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Court-on vers une récupération de cet engouement par les acteurs conventionnels de l’industrie agro-alimentaire, ou, au contraire, vers une réelle transition de nos systèmes alimentaires, appuyée sur les principes de l’« agroécologie » ? Cette dernière prône le respect de valeurs environnementales comme de valeurs sociales à tous les échelons des filières agro-alimentaires. Elle partage à ce titre des affinités profondes avec l’économie sociale, au sein de laquelle s’est développée, ces dix dernières années, une série d’initiatives à saluer en la matière. Comment trier le bon du moins bon, et favoriser le meilleur à travers nos choix de consommation ? C’est l’objet même de ce nouveau dossier Conso, réalisé par SAW-B, qui vous invite à mieux comprendre comment fonctionne notre système de production et de diffusion alimentaire.
Le « local » : contre la mondialisation des filières alimentaires !
Le « manger local » a le vent en poupe. Même la grande distribution commence à s’en revendiquer, ne fut-ce que pour des gammes réduites afin de s’attirer un capital sympathie.
Il convient de distinguer le « local » du « circuit-court », deux termes qui se recoupent mais qui ne couvrent pas exactement la même chose. C’est quoi alors, le local ? Il s’agit de s’assurer que ce qui est consommé ici soit produit ici. « Ici » ? Pour certains, consommer européen c’est déjà consommer local. En matière d’alimentation, toutefois, le degré minimum du local devrait selon nous plutôt s’entendre à l’échelle du pays ou de la région. Dans un supermarché, sera d’habitude considéré comme « local » ce qui est produit en Belgique. Mais le « local » peut se comprendre de manière plus restreinte encore : dans un rayon de 30, 50 ou 100 kilomètres autour du point de vente, par exemple. Ou, plus généralement, au sein d’un « territoire » donné, d’un bassin de vie identifié. C’est l’idée que l’on retrouvera par exemple à travers les « ceintures alimentaires » – de plus en plus nombreuses – qui essaient de recréer des filières alimentaires complètes – des producteurs aux consommateurs – dans le périmètre d’une ville et ses alentours. Le local peut parfois également s’entendre de manière « relative », notamment au regard du produit concerné : le vin français est plus local que le vin argentin, par exemple (à défaut d’une réelle offre de vin belge). D’autres denrées viendront toujours de loin (bananes, café, cacao…). Penser « local » ne revient pas forcément à les interdire, mais bien à être conscient de la provenance des choses, à trier l’utile de l’accessoire, et à ainsi ne pas baser nos régimes alimentaires sur la mangue et le fruit de la passion.
Le « local » est souvent abordé dans un objectif de lutte contre le dérèglement climatique. Faire voyager des denrées alimentaires sur des centaines ou des milliers de kilomètres est un non-sens écologique.
Un enjeu tout aussi important du « local », c’est celui de la sécurité alimentaire. La production alimentaire n’a pas échappé à la mondialisation de nos économies. Si bien que, comme pour n’importe quel autre bien de consommation, nous importons aujourd’hui une bonne partie de ce que nous consommons et nous exportons une bonne partie de ce que nous produisons. Or, cette mondialisation de la production et des échanges est intrinsèquement très fragile. Voilà quelque chose que la crise sanitaire du covid-19 a rendu très visible. Elle a ravivé l’image de la possibilité que soient un jour enrayées les chaînes d’approvisionnement de biens de consommation vitaux. Pour quelque chose d’aussi essentiel que l’alimentation, la relocalisation de la production est un enjeu de sécurité d’approvisionnement à l’échelle de communautés politiques données, de territoires donnés.
Le « circuit-court » : une juste rémunération pour les producteurs !
Le principe du « circuit-court », c’est de rapprocher tant que possible le consommateur du producteur. Il s’agit de drastiquement réduire le nombre d’intermédiaires au sein de la filière. Pour certains, pour parler de « circuit-court », il ne peut y avoir que maximum un intermédiaire (un critère qui a le mérite d’être clair, mais peut parfois être un peu trop restrictif).
Le circuit le plus court consiste à se fournir en direct chez le producteur. C’est ce que proposent, par exemple, les magasins à la ferme ou les marchés. Ou encore des initiatives plus engageantes comme les GASAP, les CSA ou les AMAP. Dans ces dernières, les mangeurs s’engagent auprès du producteur dans la durée – s’abonner à un panier de légumes par semaine auprès d’un maraîcher pour une année complète, par exemple – afin de stabiliser ses débouchés, le soulager dans sa commercialisation (le groupe s’auto-organise pour la distribution), partager une part du risque de l’activité… tout en bénéficiant d’une alimentation de qualité, issue de pratiques de production transparentes, et dans un rapport social de convivialité.
Tout le monde n’est toutefois pas prêt (ou n’a tout simplement pas le temps) de faire le tour des chapelles pour remplir son panier alimentaire. Des magasins en circuit-court existent. Si l’on s’appuie sur le principe de « un intermédiaire maximum », il faut alors que le magasin soit le seul pont entre producteurs et consommateurs : il achète en direct aux producteurs et revend en direct aux consommateurs. Un exemple ? Paysans-Artisans qui, à travers 3 magasins et 18 points-relais dans la région de Namur, permet de nourrir 5000 ménages à partir de la production en droite ligne d’une bonne centaine de producteurs.