CRABE asbl, prendre soin de la Terre et de l’Humain

‘Coopération de Recherche et d’Animation du BW Est’ :  l’acronyme déroulé, le CRABE prend dès ses débuts une allure forgée par des idéaux progressistes teintés d’éducation permanente. Les projets sont alors diversifiés et axés sur le développement territorial. En 1978, on y lance entre autres une radio libre. C’est deux ans plus tard qu’est créé le centre de gestion agricole, doté d’une zone pilote de maraichage bio, qui a acquis depuis de bien belles lettres de noblesse. ‘L’ADN du CRABE est constitué de deux axes : social et environnemental’ explique Virginie Detienne, sa directrice depuis 2019 après avoir notamment dirigé la fédération Ressources. ‘En tant que CISP, nous travaillons avec un public en insertion socioprofessionnelle, mais pas que : la défense de l’agriculture paysanne est un de nos chevaux de bataille, et nous accompagnons dans ce cadre des porteurs de projets qui visent une installation en maraichage biologique, ainsi que des producteurs auxquels nous proposons des cours de perfectionnement.’

Opérateur de formation, le CRABE permet de remettre le pied à l’étrier, une connexion à soi-même et à la terre pour repartir de l’avant. ‘Nous mettons en place quatre filières en insertion socioprofessionnelle. Deux d’entre elles visent à retrouver l’autonomie et la confiance nécessaire à une recherche d’emploi ou de formation. Les deux autres forment à un métier : ouvrier agricole en maraîchage biologique ou ouvrier en éco-jardinage, avec des approches novatrices tournées vers l’écologie et la préservation des écosystèmes. Notre CISP accueille une cinquantaine de personnes par an.’ Au CRABE comme c’est le cas ailleurs, on pose le constat d’une ère post-COVID. ‘Il est clair que ce public cible est de plus en plus précarisé, isolé, difficile à mobiliser. Nous nous substituons à un travail qui est normalement celui de CPAS, en sous-effectifs face à la surcharge de travail. Et notre fonction ne se cantonne dès lors plus à notre mission de base mais doit solutionner des problématiques de logement, de mobilité, de santé mentale … Quand il revoit nos financements à la baisse, le gouvernement en place ne se rend ni compte de la fracture sociale à l’œuvre, ni de tous les impacts positifs que le secteur engendre, par exemple prévenir du sans-abrisme.’

Acteur de la solidarité, le CRABE joue aussi un rôle dans la transition vers des systèmes alimentaires soutenables. Reconnue pour sa qualité, sa formation professionnelle agricole (FPA – technique et gestion agricole) mène au statut d’agriculteur actif et aux aides qui y sont associées. ‘Nous visons ici de tous autres profils, de type bac +4, notamment des personnes en bifurcation de carrière. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, celle-ci n’a pourtant pas le succès escompté. Le métier peut certes attirer, mais il est tout de même perçu comme pénible. Et s’il y a malgré tout un certain intérêt pour cette profession qui reconnecte à la nature, il génère une concurrence d’autres opérateurs, qui ne fournissent peut-être pas tous les outils nécessaires à des success stories pérennes. Au CRABE, on ne transige pas sur la viabilité économique des projets quand on est amené à valider les compétences et donner le bon de sortie.’

Chercher l’efficience, diversifier ses recettes
A l’heure où le secteur wallon de l’insertion socioprofessionnelle trinque (pour le seul secteur CISP : – 2% de subventions structurelles, perte des subventions facultatives, renouvellement des agréments et avances en attente), Virginie Detienne puise dans son riche parcours professionnel quelques éléments venant nourrir la réflexion autour du nécessaire changement d’échelle de l’économie sociale. ‘Je pense que l’ES fait face à des enjeux de légitimité et doit se crédibiliser davantage auprès d’investisseurs potentiels, chercher l’efficience. Elle doit sans doute pouvoir accéder au besoin de retour sur investissement, même si le sens des projets doit bien évidemment rester la motivation première. A cet égard, elle doit encore se faire connaître davantage pour faire adhérer de nouveaux publics, et documenter ses impacts pour prouver son apport et ce qu’elle économise à la société. Si on intégrait au prix de l’alimentation le coût des externalités négatives causées par les grands groupes industriels, on verrait directement la différence. A notre niveau, le chantier à venir est celui du modèle économique. J’aimerais inverser la tendance et sortir l’association de cette dépendance aux subsides : créer des entreprises sociales marchandes qui soutiennent l’action sociale. Nous avons un projet de ressourcerie dans le Brabant wallon est, zone non desservie. C’est une première piste sérieuse. Le CRABE a toujours impulsé ou co-porté des projets : Agricovert en 2010, l’espace-test Les Jardins de l’Espinette en 2016, ou plus récemment la coopérative Terra Alter, développée avec le Groupe Terre et la Cuisine des Champs et dont le marché est celui des cuisines des collectivités. Il nous faudra être créatif.’

Et regarder vers 2026 déjà, année d’un jubilé qui mérite bien d’être célébré à hauteur de ses combats.