Dormir dans les arbres pour mieux rêver d’un avenir durable

Au cœur des Ardennes belges, Mon Lit Dans l’Arbre n’est pas seulement un projet d’hébergement insolite, c’est aussi une initiative portée par des valeurs fortes d’économie sociale. Fabien Ledecq et David Bavay, amis de longue date, ont décidé de créer bien plus que des cabanes dans les arbres. Leur objectif était de proposer un espace où chacun pourrait se reconnecter à la nature tout en participant à une dynamique économique respectueuse de l’environnement et des personnes. Grâce à l’accompagnement de structures spécialisées comme W.Alter et Financité, ils ont pu bénéficier du soutien de l’écosystème de l’Économie Sociale, qui facilite l’accès au financement et à l’expertise pour les porteurs de projets engagés.

Une motivation partagée

Fabien Ledecq a grandi dans un petit village ardennais, à Libin, où il a passé une grande partie de son enfance à explorer les forêts en vélo, comme beaucoup d’enfants des années 80. « On passait notre temps dans les bois, à construire des cabanes avec les voisins, juste avec trois cordes et deux bouts de bois », se souvient-il avec un sourire. Ces moments passés en pleine nature ont forgé en lui une connexion profonde avec la forêt, une relation qui l’a accompagné tout au long de sa vie. « J’ai toujours gardé ce plaisir et cette connexion avec la forêt, c’est vraiment mon milieu naturel », explique-t-il.

C’est en 2014 que l’idée de Mon Lit dans l’Arbre a commencé à germer. Fabien et David cherchaient un hébergement en cabane pour une escapade entre amis, mais le site le plus proche qu’ils ont trouvé était situé dans les Vosges. La distance les a finalement dissuadés de partir, ce qui a déclenché une réflexion chez Fabien : « C’est quand même dommage de devoir aller si loin alors qu’on a une nature magnifique juste à côté de chez nous. ». David réagit aussitôt : « Ce n’est pas toi qui voulais construire des cabanes ? ». Ce qui semblait être une boutade a pris une tournure sérieuse le lendemain, quand ils se sont rappelé : « On le fait vraiment ? ». Cette soirée à refaire le monde a marqué le début d’une aventure entrepreneuriale engagée et respectueuse de la nature.

Le projet prend forme : des rêves aux cabanes

Après ce fameux week-end, Fabien et David décident de se lancer sérieusement dans le projet. Toutefois, l’aventure ne s’est pas faite du jour au lendemain. Il leur a fallu plusieurs années pour concrétiser ce rêve d’enfance, car les défis à surmonter étaient nombreux. Trouver un terrain adéquat a été la première étape, mais elle s’est révélée plus complexe que prévu. Après avoir contacté plusieurs communes et exploré différentes options, c’est finalement à Herbeumont, dans une magnifique forêt de chênes de trois hectares, que le projet a trouvé son ancrage.

Mais il ne suffisait pas d’avoir un terrain. Fabien et David devaient encore obtenir toutes les autorisations nécessaires pour construire leurs cabanes. Une autre difficulté résidait dans la construction même des cabanes. Bien que Fabien et David soient de bons bricoleurs, ils n’avaient pas les compétences nécessaires pour concevoir des structures en bois à l’échelle professionnelle. La recherche d’un menuisier capable de concrétiser leurs idées a pris du temps, mais ils ont finalement trouvé la bonne personne, un artisan qui a non seulement compris leur vision, mais qui est aussi devenu un partenaire et un ami précieux dans cette aventure.

Un projet en économie sociale : des valeurs au cœur de l’entreprise

Dès le départ, Fabien et David avaient une vision claire : Mon Lit Dans l’Arbre ne serait pas qu’un simple projet d’hébergement insolite. Leur ambition était de créer un projet économiquement viable, tout en favorisant une démarche durable et respectueuse de la nature. Au travers d’expériences immersives en forêt, Mon Lit Dans l’Arbre propose une reconnexion profonde à l’environnement naturel. L’objectif est clair : recréer du lien avec la nature, pour mieux la ressentir, la comprendre, et in fine, la protéger et la respecter.

Cependant, la mise en œuvre a été plus complexe que prévu, avec de nombreux obstacles administratifs à franchir. Conscients de l’intérêt du modèle coopératif, Fabien et David ont d’abord envisagé une autre voie, préférant éviter d’alourdir davantage le processus administratif déjà chargé. Ils se sont donc tournés vers les banques classiques pour simplifier la phase de financement. Mais après plusieurs rendez-vous, il est vite apparu que les banques, bien que séduites par l’idée, n’étaient pas prêtes à prendre le risque. Face à ces refus répétés, ils ont alors décidé d’explorer sérieusement la possibilité de structurer leur projet en coopérative.

Ce fut la bonne décision. Grâce à l’accompagnement de structures telles que W.Alter (Sowecsom à l’époque) et Financité, ils ont trouvé un cadre adapté à leurs valeurs et à leurs besoins. Alors qu’ils espéraient lever 50 000 euros, la confiance de leur communauté leur a permis de récolter 250 000 euros, un véritable coup de pouce qui a donné vie au projet.

Au départ, la participation des coopérateurs a été particulièrement intense. Non seulement ils ont investi financièrement, mais beaucoup se sont également impliqués activement dans la construction des cabanes et l’aménagement du site. Avec le temps, cette dynamique s’est naturellement atténuée, à mesure que le projet s’est stabilisé. « C’est un projet qui roule maintenant », reconnaît Fabien. Aujourd’hui, la gestion quotidienne est entre les mains d’une petite équipe locale, tandis que la gouvernance coopérative reste active, assurant que le projet continue de refléter les valeurs qui l’ont vu naître.

Aujourd’hui : Une fierté partagée et un équilibre trouvé

Fabien et David sont particulièrement fiers d’avoir créé un projet qui allie rentabilité économique et respect de l’environnement, tout en restant fidèle à une philosophie claire : pas de profit illimité, mais une juste rémunération pour tous ceux qui ont contribué à cette aventure.

« Nous n’avons jamais voulu créer une machine à profit », explique Fabien. « Ce qui compte pour nous, c’est que tout le monde soit justement rémunéré pour son travail et pour les risques pris au départ. » En ce sens, la distribution de dividendes aux coopérateurs – plafonnée à 6 % – reflète cette volonté d’équité. Les bénéfices sont partagés de manière responsable, réinvestis dans l’amélioration du projet et la rémunération des employés.

Ce qui leur tient particulièrement à cœur, c’est la création d’emplois durables et de proximité. Aujourd’hui, Mon Lit dans l’Arbre emploie quatre personnes à temps plein, avec des contrats stables, permettant aux habitants de travailler au cœur de la forêt ardennaise. « Ce qui nous fait plaisir, c’est de voir que nos employés viennent à pied ou à vélo travailler, » explique Fabien. Bien que la région offre de nombreuses opportunités d’emploi grâce à la proximité du Luxembourg, les emplois de proximité restent plus rares. Cette approche contribue non seulement à limiter l’impact écologique, mais aussi à offrir des emplois de qualité au plus près des habitants.

En fin de compte, Mon Lit Dans l’Arbre n’est pas seulement une réussite entrepreneuriale, mais une démonstration que l’on peut bâtir une entreprise à taille humaine, où la rentabilité et la justice sociale coexistent harmonieusement, tout en étant au service de la nature.